Le conflit israélo-palestinien ou comment vivre avec

n° 156 - Été 2017

À 45 ans, Naftali Bennett est une figure incontournable de la scène politique israélienne. Ministre de l'Éducation et de la Diaspora, membre du très sélect Cabinet de sécurité du gouvernement (1), il imprime sa marque sur tous les débats majeurs qui parcourent la société israélienne. Représentant du nationalisme religieux, il recrute principalement son électorat parmi les colons de Cisjordanie.
Né en Israël de parents américains, Bennett a fait son service militaire dans la prestigieuse unité combattante Sayeret Matkal, avant d'obtenir le grade de commandant de compagnie dans l'unité Maglan - une autre force spéciale qui réalise des opérations en terrain ennemi. De retour à la vie civile, c'est d'abord vers les nouvelles technologies qu'il se tourne : il fonde en 1999, avec un groupe de trois camarades, une start-up spécialisée dans la sécurité des achats sur Internet. Bennett déménage alors à New York pour diriger cette entreprise : Cyota. En 2005, Cyota, qui compte alors 140 employés, est vendue à la compagnie américaine RSA Security pour 145 millions de dollars. Rentré au pays, Naftali Bennett se lance en politique. Il fait ses premières armes aux côtés de Benyamin Netanyahou dont il devient directeur de cabinet au moment où le leader du Likoud dirige l'opposition. La complicité - qui ne tarde pas à se muer en rivalité - entre les deux hommes date de cette époque.
Pour établir son propre fief, Naftali Bennett choisit de s'éloigner du Likoud. Il est élu à la direction du Foyer juif (anciennement Parti national religieux) en 2012. Issu de plusieurs mouvements politiques de la droite ultra-nationaliste religieuse, le parti est alors sur le déclin (il n'obtient que 3 députés sur 120 aux élections de 2009). L'allure décontractée, le verbe tranché, Bennett a réussi à imposer un style mêlant une ligne dure et sans concession, une pratique à la fois orthodoxe et moderne de la religion sur fond de nationalisme ancré dans la sacralité de la terre. Un cocktail qui plaît à une frange grandissante de l'électorat : son parti a obtenu 12 sièges aux élections de 2013. Bennett entre alors au gouvernement dirigé par Netanyahou qui le nomme ministre de l'Économie et ministre des Affaires religieuses. Lors des législatives de 2015, il s'associe à la campagne du premier ministre - une stratégie qui vaut au Foyer juif de reculer dans les urnes (il retombe à 8 sièges). Bennett se voit néanmoins confier, cette fois encore, deux portefeuilles dans le nouveau gouvernement.
Omniprésent dans le débat public, Naftali Bennett l'affirme sans détour : il est opposé à la création d'un État palestinien aux côtés d'Israël et milite pour l'annexion d'une partie de la Cisjordanie. Tout comme la ministre de la Justice, Ayelet Shaked, elle aussi membre du Foyer juif, il cherche à favoriser l'expansion de la colonisation en Cisjordanie et considère que seule une simple « autonomie palestinienne » est compatible avec la pérennité d'Israël.
A. M.


Aude Marcovitch - Israël vient de célébrer, en juin dernier, les cinquante ans de la guerre des Six-Jours - une guerre qui s'est soldée par une victoire écrasante d'Israël sur les armées arabes et dont le résultat fut l'occupation du Golan, du Sinaï, de Gaza et de la Cisjordanie (2). Que signifie, pour vous, la guerre des Six-Jours ?
Naftali Bennett - La guerre des Six-Jours renvoie d'abord, pour moi, à l'unification de Jérusalem. Dans la mémoire de chaque Israélien est gravé à jamais ce moment où les parachutistes de Tsahal ont atteint le mur occidental (3) et y ont fait une prière. Nous avons tous eu le sentiment, alors, que les Juifs étaient retournés dans leur patrie et dans la capitale qui est la leur depuis 3 000 ans.


A. M. - Qu'en est-il du reste de la terre, de la Cisjordanie qu'Israël occupe ou a « récupérée » - selon les convictions des uns ou des autres - depuis 1967 ?
N. B. - La Judée-Samarie est le territoire historique des Juifs. Les autochtones de la terre d'Israël sont les Juifs. L'archéologie, l'histoire, la Bible le montrent clairement. La guerre des Six-Jours a été le résultat d'une alliance des pays arabes contre Israël : l'Égypte, la Syrie, la Jordanie et l'Irak ont uni leurs forces pour détruire un jeune État qui n'avait que 19 ans d'existence à l'époque. Et, en seulement six jours, Israël a accompli un miracle. C'est l'un des plus grands succès militaires de tous les temps. Nous le devons à la bravoure et à la détermination des Juifs qui étaient prêts à tout pour vivre sur leur terre. Nous sommes entourés par des centaines de millions d'Arabes et de musulmans. Nous les respectons. Mais cette étroite bande de terre est notre patrie et nous sommes ici pour y rester.


A. M. - Les Palestiniens qui vivent en Cisjordanie, eux, se sont retrouvés sous autorité militaire israélienne...
N. B. - Le conflit avec les Arabes et les Palestiniens ne date pas de 1967. Il a commencé il y a plus d'un siècle quand ils ont refusé l'idée que les Juifs puissent retourner dans leur patrie. Dès le début, ils s'y sont opposés. De violentes attaques contre les communautés juives ont eu lieu bien avant l'établissement de l'État d'Israël, notamment à Jérusalem en 1920, à Jaffa en 1921 et, bien sûr, lors du massacre de la communauté juive d'Hébron en 1929.
Et, lorsque les Nations unies ont proposé leur plan de partage (4), tout naturellement les Juifs l'ont accepté alors que les Arabes et les Palestiniens, eux, l'ont repoussé. Le résultat est connu : la guerre d'Indépendance en 1948 et la naissance du problème palestinien.


A. M. - Dans votre vision, quelle place les Palestiniens de Cisjordanie occupent-ils ?
N. B. - Dans ma vision, personne n'est expulsé de chez soi. Aucun Juif ni aucun Arabe. Nous sommes très attachés à la dignité des gens et respectons leur droit à rester là où ils vivent. En ce …