Les Grands de ce monde s'expriment dans

Otan : tous pour un, un pour tous


Lorsqu'il était président des Jeunes sociaux-démocrates norvégiens, Jens Stoltenberg militait pour que son pays quitte l'Otan. C'est un euphémisme de dire qu'il a, depuis, viré de bord. Après avoir occupé entre-temps le poste de ministre de l'Industrie puis des Finances et, à deux reprises, celui de premier ministre, il a été nommé secrétaire général de l'Alliance atlantique le 28 mars 2014.
Ce social-démocrate, adepte du consensus, a succédé au conservateur danois Anders Fogh Rasmussen, connu pour avoir constamment refusé le moindre compromis avec la Russie. En soutenant la candidature du « Tony Blair norvégien », les États-Unis, l'Allemagne, la France et la Grande-Bretagne ont propulsé à la tête de l'Otan un homme qui, bien qu'issu d'un pays voisin de la Russie, a toujours su conserver de bonnes relations avec le Kremlin. Certains redoutaient qu'il soit trop complaisant avec Vladimir Poutine. Mais, depuis son arrivée, Jens Stoltenberg a au contraire réaffirmé le caractère « inacceptable » de l'annexion de la Crimée et dénoncé les provocations de la Russie vis-à-vis de ses voisins et des pays de l'est de l'Alliance. Et il a accepté, malgré l'opposition de Moscou, que le Monténégro rejoigne l'Organisation au printemps dernier. Partisan d'un renforcement de la coopération transatlantique, il soutient les exigences des Américains qui réclament un meilleur partage du fardeau financier entre l'Europe et les États-Unis. En un mot : un entretien décapant.
I. L.

Isabelle Lasserre - Depuis son élection, Donald Trump a laissé planer un doute sur sa détermination à activer l'article 5 du traité de l'Atlantique Nord - celui qui oblige les membres de l'Alliance à se porter au secours d'un des leurs en cas d'agression extérieure. Si la Russie envahissait demain l'un des trois États baltes, pensez-vous que les États-Unis réagiraient ?
Jens Stoltenberg - Oui. Absolument. D'abord, parce que nous touchons là à l'essence même de l'Otan, à sa mission principale. À savoir : tous les pays membres de l'Alliance sont obligés de venir en aide à celui qui serait attaqué. Il ne s'agit pas d'une option mais d'une contrainte imposée par le traité. Ensuite, parce que Donald Trump, son secrétaire à la Défense le général James Mattis et son secrétaire d'État Rex Tillerson ont tous réaffirmé leur attachement à l'Otan et à ses garanties de sécurité. Le président américain me l'a personnellement confirmé lorsque je l'ai rencontré à Washington. Il l'a répété pendant une conférence de presse commune que nous avons tenue en avril 2017 à la Maison-Blanche. Plus important sans doute : l'engagement américain dans l'Otan ne se traduit pas seulement par des mots, mais aussi par des actes. Depuis la fin de la guerre froide, les États-Unis avaient graduellement allégé leur présence militaire en Europe. Pour la première fois depuis de longues années, la tendance s'inverse : ils déploient des troupes supplémentaires à l'est de l'Europe. Juste avant le dernier sommet de Bruxelles, Donald Trump a proposé d'augmenter de 40 %, en 2018, le budget consacré au renforcement des moyens militaires de l'Otan à l'Est. Concrètement, cette initiative a déjà permis de créer une nouvelle brigade en Europe centrale et orientale, de pré-positionner des équipements militaires, d'investir dans des infrastructures et des exercices. Depuis l'annexion de la Crimée par la Russie en 2014, nous assistons à un renforcement significatif de la présence américaine en Europe et plus particulièrement dans les pays baltes ! Les États-Unis dirigent un des quatre « groupes de combat » (battle group) que l'Otan est en train de déployer dans la partie est de l'Alliance, dans les pays baltes et en Pologne. L'attachement américain à l'Otan a donc été confirmé à la fois en paroles et dans les faits.
I. L. - L'ambiguïté de Donald Trump sur certaines questions et son incapacité à définir une stratégie claire vis-à-vis des grands défis internationaux ne risquent-elles pas d'affecter l'Otan ? Comment comptez-vous gérer l'imprévisibilité du président américain ?
J. S. - Nous devons nous souvenir que l'Otan est une alliance de démocraties et que, dans les sociétés démocratiques, différents types de responsables sont élus ! Ils ont des personnalités, des façons de communiquer, des cultures qui diffèrent... Nous sommes 29 nations des deux côtés de l'Atlantique - depuis l'entrée du Monténégro en juin -, chacune étant dotée d'une histoire, d'une géographie et de perspectives politiques bien à elle. Pourtant, nous avons toujours réussi à nous accorder sur l'essentiel : la défense collective. Pourquoi ? Parce …