Plaidoyer pour l'ONU

n° 156 - Été 2017

Le 12 avril dernier, déterminée à protéger le régime de Damas, la Russie utilisait pour la huitième fois son droit de veto afin de bloquer l'adoption d'une résolution du Conseil de sécurité concernant la Syrie. En empêchant la tenue d'une enquête internationale véritablement approfondie sur l'utilisation d'armes chimiques à Khan Cheikhoun huit jours plus tôt, Moscou prenait une lourde responsabilité. En Occident, la réaction fut sévère mais, au-delà de la condamnation du Kremlin, c'est une fois encore l'ONU qui était sur la sellette. « À quoi sert-elle ? », se sont demandé bien des observateurs et chroniqueurs. « N'est-elle pas obsolète ? Le droit de veto des membres permanents du Conseil de sécurité ne doit-il pas être encadré, voire supprimé ? »
Ce n'était pas la première fois que l'ONU était mise au banc des accusés. Ce ne sera pas la dernière. Le 14 février 2003, devant des centaines de millions de téléspectateurs, Dominique de Villepin défendait magistralement la thèse française du désarmement pacifique de l'Irak, dénonçant à l'avance la guerre aussi absurde que dangereuse programmée par les États-Unis. Beaucoup se réjouirent que cette tribune lui ait été offerte. À l'inverse, il y a quelques semaines, après l'élection de l'Arabie saoudite à la Commission de la condition de la femme, les attaques ont fusé envers un système qui, selon la formule d'un observateur, autorisait le pyromane à rejoindre l'équipe des pompiers. Pourtant, les mêmes pourfendeurs avaient encensé les Nations unies en décembre 2015 lorsqu'elles avaient permis, avec l'aide de la diplomatie française, de parvenir à un compromis visant à contenir l'élévation de la température moyenne de la planète à moins de 2 degrés par rapport aux niveaux pré-industriels... Il s'agissait, assurément, d'un résultat remarquable.
Ainsi, on critique l'ONU, parfois à juste titre, parfois de manière infondée. On la loue aussi, par intermittence. À quoi sert-elle vraiment ? Ceux qui ont une ambition démesurée pour l'Organisation et pensent qu'elle doit tout régler sont souvent déçus ; ceux qui font preuve de réalisme et constatent, malgré ses imperfections, sa valeur ajoutée dans bien des domaines la jugent indispensable. Cette valeur ajoutée mérite d'être rappelée - même si un tel rappel ne dispense pas de souhaiter que l'ONU se réforme. Enfin, que peut-on attendre du nouveau secrétaire général, le Portugais Antonio Guterres, qui a succédé le 1er janvier dernier au Sud-Coréen Ban Ki-moon ?

La valeur ajoutée de l'ONU

La paix et la sécurité
Prétendre que l'ONU aurait pour mission d'empêcher toutes les guerres serait très excessif. La Charte, très ambitieuse dans ses objectifs, ne nous donne pas cette garantie. Pour bien comprendre ce que l'Organisation peut apporter en termes de maintien ou de restauration de la paix, il faut se référer aux fondamentaux. Le Conseil de sécurité est un organe politique, capable de prendre des décisions contraignantes au nom de tous, y compris des sanctions et l'usage de la force, mais ce n'est pas un gendarme contraint d'agir. Il ne peut remplir correctement son rôle que si les cinq membres permanents coopèrent. …