Antonio Tajani fait partie de cette grande lignée de dirigeants politiques italiens pétris de culture française. Dès son plus jeune âge, il vit en France où son père, militaire, est affecté auprès du commandement militaire de l'Otan. Sa mère est professeur de latin et de grec. Ce qui lui permet de dire qu'il a « ouvert les yeux en France ».
Diplômé de droit à l'université La Sapienza de Rome, il a commencé sa carrière professionnelle en tant qu'officier de l'armée de l'air, au sein du système de défense aérienne de l'Otan. Il s'est ensuite tourné vers le journalisme, d'abord comme présentateur d'un journal radio de la RAI (le service public), puis comme rédacteur au Giornale, le grand quotidien indépendant d'Indro Montanelli.
Aujourd'hui âgé de 64 ans, il a été élu le 17 janvier 2017 président du Parlement européen. Membre de Forza Italia, le parti de Silvio Berlusconi, il était le candidat du Parti populaire européen (PPE). Antonio Tajani est un vétéran des questions européennes. Député à l'assemblée de Strasbourg de 1994 à 2008, il en devint le premier vice-président en 2014 après une parenthèse auprès de la Commission de Bruxelles, où il fut successivement chargé des Transports (2008-2010) puis de l'Industrie et de l'Entreprenariat (2010-2014).
Aux Transports, il s'est battu pour améliorer les droits des passagers du transport aérien, en particulier des personnes à mobilité réduite, et a relancé la politique spatiale européenne. À l'Industrie, il a élaboré le projet « renaissance européenne » qui comportait un important volet environnemental. Il s'est également engagé en faveur des PMI : le « small business act » a contribué à simplifier les procédures bureaucratiques et à faciliter l'accès au crédit. On lui doit, enfin, une directive permettant aux petites entreprises qui fournissent les administrations publiques d'être payées en trente jours.
En novembre 2014, il a renoncé à l'indemnité de fin de mandat à la Commission qui lui revenait de plein droit - un pactole de 468 000 euros, à raison de 13 000 euros par mois pendant trois ans. « Un choix de conscience », a-t-il expliqué.
R. H.
Richard Heuzé - Au moment de votre élection à la présidence du Parlement européen le 17 janvier 2017, vous avez déclaré qu'il fallait « changer l'Europe, pas la tuer ». L'Europe a connu six mois riches en événements : l'arrivée de Donald Trump à la Maison-Blanche, l'élection d'Emmanuel Macron, la célébration des 60 ans du traité de Rome, la reprise des migrations en Méditerranée, les attentats terroristes... À cette Europe en plein désarroi, que proposez-vous : une relance, une réforme, une refondation ?
Antonio Tajani - Emmanuel Macron a compris que l'Europe a un rôle important à jouer et il ne cesse de le répéter depuis son arrivée à l'Élysée le 14 mai dernier. J'ai été l'un des premiers à le féliciter, soulignant dans un tweet qu'il fallait « faire vite » et que « la France, l'Italie, l'Espagne et l'Allemagne, ensemble avec les institutions européennes, devaient affronter sans tarder les trois grandes urgences qui se présentent à l'Europe : le chômage des jeunes, le terrorisme et l'immigration ».
Au G7 de Taormine les 26 et 27 mai, les Européens ont pris conscience qu'ils ne peuvent plus attendre que l'Oncle Sam vienne à leur rescousse et qu'ils doivent prendre leur destin en main. L'Europe doit intervenir sur les grands sujets et s'attaquer aux dossiers les plus compliqués en reléguant les petites questions au champ de la subsidiarité qui est du ressort de chaque État.
R. H. - Vous avez rencontré Theresa May, le premier ministre britannique, au 10 Downing Street le 20 avril dernier et vous l'avez même invitée à s'exprimer à Strasbourg devant le Parlement européen. Ne craignez-vous pas que le Brexit porte un grave préjudice à la construction européenne ?
A. T. - Au bout du compte, c'est Londres qui paiera la facture la plus lourde pour avoir commis l'erreur de quitter l'Union européenne. Je l'ai dit à Theresa May tout comme j'ai réaffirmé notre désir de continuer à entretenir de bonnes relations avec la Grande-Bretagne. Nous avons discuté de sujets d'intérêt commun comme la lutte contre le terrorisme et l'Afrique. Et puis, il y a les contingences immédiates. En tant que président du Parlement européen, j'ai été le premier à défendre les droits des trois millions de ressortissants européens qui résident en Grande-Bretagne et pour lesquels il conviendra de trouver une solution susceptible de préserver leurs intérêts.
R. H. - Comment voyez-vous le rôle d'Angela Merkel ?
A. T. - L'Europe aurait grandement besoin d'autres leaders de sa trempe - des leaders capables de développer une vision globale, détachée des considérations électorales. Mais il ne faudrait pas, pour autant, que l'Europe se réduise au seul couple franco-allemand. L'Italie et l'Espagne, notamment, ont vocation à exercer une responsabilité particulière. Le premier ministre espagnol Mariano Rajoy l'a bien compris, tout comme José Maria Aznar avant lui. Dans le domaine de la défense par exemple, ces quatre pays - Allemagne, France, Italie et Espagne - pourraient prendre l'initiative sans attendre, quitte à entraîner par la suite le reste du peloton. …
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