Le grand mouvement de protestation qui a éclaté en Roumanie cet hiver et continue de se faire ressentir à ce jour s'est donné un mot d'ordre clair : protéger l'État de droit contre le démantèlement de la justice et de la lutte anti-corruption par le pouvoir en place. La rue a gagné cette bataille, signe de la bonne santé de la société roumaine. Mais les hommes et femmes politiques condamnés ou poursuivis par la justice pour des faits de corruption n'en sont pas à leur premier essai et n'ont pas dit leur dernier mot.
Un « hiver du mécontentement » à la roumaine
Un mois et demi de manifestations quotidiennes dans des dizaines de villes, rassemblant jusqu'à plus d'un demi-million de personnes le dimanche 12 février 2017 : la Roumanie s'est soulevée comme jamais depuis la révolution de 1989 qui avait entraîné la chute du régime communiste de Nicolae Ceausescu. À l'époque, déjà, la révolte avait éclaté pendant l'hiver, en décembre. Le contexte saisonnier n'est pas seulement anecdotique : l'hiver est une saison particulièrement rude dans les Balkans, un moment où les difficultés de l'existence se tendent et peuvent vite se transformer en combat pour la survie.
Cette année, le premier rassemblement a eu lieu le 11 janvier sur la place de l'Université à Bucarest, par -10°C, sous un vent glacial et 30 centimètres de neige. Cette température polaire permet de mesurer la motivation des quelque 200 citoyens qui, ce jour-là, bravent les éléments. Ils se sont réunis pour protéger un acquis juridique auquel les Roumains sont particulièrement attachés : l'interdiction, pour les personnes ayant un casier judiciaire, d'occuper un poste au gouvernement. Dans un pays où la corruption gangrène la classe politique, cette loi adoptée en avril 2001 est attaquée, depuis plusieurs années, par ceux-là mêmes qui sont poursuivis et/ou condamnés par la justice - au premier rang desquels les dirigeants du Parti social-démocrate (PSD), formation populiste et nationaliste qui monopolise le pouvoir et la plupart des institutions roumaines depuis la chute de l'ancien régime. Cette très efficace machine électorale - héritière du Parti communiste de l'époque Ceausescu - a remporté une victoire écrasante aux législatives de décembre 2016. Normalement, son chef, Liviu Dragnea, aurait dû, dans la foulée, devenir premier ministre. Mais il se trouve qu'il a été condamné en première instance, puis en appel en 2016, à deux ans de prison avec sursis pour son implication dans des fraudes électorales survenues lors du référendum de 2012 sur la destitution du président Traian Basescu (1). Considérant que le verdict des urnes l'exemptait de se conformer à la loi, le patron du PSD s'est tout de même permis de postuler. Il a fallu que le président, le libéral Klaus Iohannis, refuse sa candidature. En Roumanie, le président n'est pas le dépositaire du pouvoir exécutif mais c'est à lui qu'il revient d'approuver le premier ministre proposé par le parti vainqueur. Autour du Nouvel An, le bras de fer entre les deux hommes a mis le pays au bord d'une crise …
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