Depuis un an, la question des terres enflamme l'Afrique du Sud. L'exaspération est telle que des occupations de terrains ont commencé, de manière sporadique. Exploité par une frange populiste de l'opposition et attisé par le mécontentement de la majorité noire, l'enjeu est devenu brûlant. Le 27 février 2018, le Parlement a adopté une motion en faveur de l'expropriation sans compensation - une décision qui implique, à court ou moyen terme, une révision de la Constitution. Ce dossier explosif, qui pourrait déraper vers des violences s'il n'est pas correctement encadré par les autorités, s'impose ainsi dans l'agenda du président par intérim Cyril Ramaphosa qui vise à se faire élire en 2019.
L'enjeu de la terre
« Quand les missionnaires sont arrivés, ils avaient la Bible et nous la terre. Ils nous ont dit : prions ! Nous avons fermé les yeux. Quand nous les avons rouverts, nous avions la Bible et eux la terre. » Ce bon mot de Desmond Tutu, prix Nobel de la paix, ne fait plus rire aujourd'hui, tant la question des terres est devenue sensible. Dans la presse, au Parlement et à la moindre terrasse de café, les débats sont désormais quotidiens et passionnés autour de ce thème hautement symbolique. Des occupations de terrains non utilisés, publics ou privés, se multiplient autour des grandes villes, dans des zones où prévaut l'habitat informel. Pas moins de 145 cas ont été recensés depuis janvier aux alentours de la ville du Cap - un niveau sans précédent. Il en va de même à Johannesburg et à Pretoria, où des émeutes éclatent chaque fois que la police intervient pour empêcher la construction de bidonvilles sur ces terrains, convoités comme espaces d'habitation plutôt que de cultures. Julius Malema, un dissident de l'ANC à la tête d'un parti populiste dénommé Combattants de la liberté économique (EFF), souffle sur les braises. Il appelle à des occupations similaires à celles qui se sont produites au Zimbabwe au début des années 2000, attisant les peurs blanches sans vraiment faire exploser la colère noire dans les campagnes.
À qui veut l'entendre, le président Cyril Ramaphosa rappelle que la loi et l'ordre prévaudront en Afrique du Sud, puisqu'un processus de révision constitutionnelle est enclenché. Sur le principe, il s'agit de permettre l'expropriation sans compensation. Dans la pratique, les contours de ces mesures restent pour l'instant très flous. Il n'empêche : la dispute, largement émotionnelle, ravive la fracture entre Noirs et Blancs, mais aussi entre le pouvoir politique et les chefs traditionnels. Le roi zoulou Goodwill Zwelethini, influent auprès de l'ethnie la plus nombreuse (20 % de la population), a menacé de prendre les armes si les terres qu'il gère dans un trust au nom de sa communauté étaient confisquées. Chez les Blancs, les craintes sont vives de voir les invasions de fermes se produire de manière aussi violente qu'au Zimbabwe voisin. Le groupe afrikaner Afri Forum, lié au syndicat blanc minoritaire Solidarity (140 000 membres), s'illustre par ses déclarations rageuses. Du côté des fermiers, la réponse est plutôt …
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