Face aux fléaux du monde...

n° 161 - Automne 2018

Voici un débat exceptionnel entre deux personnalités qui ont pris du champ par rapport à la politique et qui se consacrent désormais aux grandes causes : lutte contre le sida, la tuberculose, le paludisme et la malnutrition chronique dans les pays en développement. Une source d'inspiration pour les dirigeants politiques de la planète.

P. I.

Politique Internationale - Notre revue fête cet automne ses quarante ans. Au cours de ces quatre décennies, quel est l'homme (ou la femme) qui, à vos yeux, a le plus contribué à changer la face du monde ?

Bill Clinton - Il me serait trop difficile de ne choisir qu'une seule personnalité ! Permettez-moi d'en citer trois, avec qui j'ai travaillé et que j'ai bien connues.

Nelson Mandela a montré que l'on peut obtenir la paix et la réconciliation sans renier ses convictions. Helmut Kohl, lui, a permis à l'Europe d'entrer dans le XXIe siècle en étant, pour la première fois de son histoire, unie, rassemblée et libre. Yitzhak Rabin, bien qu'il ait été assassiné avant d'avoir eu le temps de mener à son terme la mission de sa vie, a prouvé que même les conflits les plus profondément enracinés pouvaient trouver une issue pacifique. Tous trois étaient de grands hommes parce qu'ils ont tiré le meilleur de notre interdépendance croissante et parce qu'ils ont compris qu'il était nécessaire de coopérer et d'accepter des compromis pour mettre fin à des conflits qui paraissaient pourtant interminables. Tous trois se sont élevés contre cette logique de l'affrontement systématique qui semble prévaloir aujourd'hui mais qui, j'en suis certain, finira par s'effacer.

Au-delà de l'impact de tel ou tel leader donné, je pense que le changement le plus important des quarante dernières années réside dans la répartition sans précédent du pouvoir entre les simples citoyens. Grâce à la montée en puissance de la société civile et à l'explosion d'Internet, des technologies mobiles et des réseaux sociaux, il est devenu plus aisé, pour les gens, de participer à la marche du monde, de se faire entendre et de peser sur les événements d'une façon qui n'aurait pas été possible il y a quarante ans. Même si, comme chacun sait, tous ces nouveaux outils peuvent être instrumentalisés par des forces obscures à des fins de manipulation, ils offrent des possibilités inouïes et sont porteurs d'immenses promesses pour l'avenir.

Philippe Douste-Blazy - Un nom s'impose à moi : celui de J. C. R. Licklider, le père d'Internet. Ce scientifique américain fut le premier à parler d'un réseau informatique de ce type dans son rapport Man-Computer Symbiosis. Et nous n'en sommes qu'au début : cette découverte n'a pas fini de produire ses effets en termes politiques, sociaux, sociétaux et économiques. Tous les êtres humains sont concernés.

P. I. - Quel est le plus grand défi auquel le monde sera confronté au cours des quarante prochaines années ?

B. C. - Il y en a beaucoup, dans tant de domaines ! Le changement climatique, la cybersécurité, la persistance des inégalités, la préservation de la …