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Sortie de crise en Syrie : la nouvelle donne

Comment sortir du « chaos syrien » (1) ? Plus que jamais, la question relève de l'exercice à haut risque. Sur le terrain, de nouveaux rapports de force se sont mis en place : partout, Daech recule et le régime de Damas engrange les victoires face aux rebelles et aux djihadistes. Mais c'est la Russie qui mène le bal en tentant de nouer très pragmatiquement des accords avec l'ensemble des acteurs en présence. L'État syrien étant apparemment hors de danger, le moment est venu pour Moscou de lancer la phase du règlement politique - un objectif que partagent à présent les Occidentaux et leurs partenaires sunnites (Arabie saoudite, Émirats arabes unis, Jordanie, Turquie).

Changement de priorités en Syrie et forces en présence

Depuis la défaite de Daech, le régime syrien a repris le contrôle de la « Syrie utile » (Damas, Homs, Hama, Alep, Deraa) et personne ne fait plus du départ de Bachar al-Assad une condition préalable à des discussions de paix. Lors de son voyage à Saint-Pétersbourg les 26 et 27 mai 2018 (2), le président Emmanuel Macron a reconnu officiellement que le régime de Damas est le gouvernement « légal » de la Syrie. Fort de ce constat, la Turquie a renoncé à renverser Bachar et s'est rapprochée de la Russie durant l'été. Face au camp loyaliste « vainqueur », qui est venu à bout du gros de la rébellion anti-Assad et des djihadistes, on distingue trois groupes de perdants :

1) les rebelles, aussi bien islamistes que djihadistes, et l'opposition sunnite (3) soutenue par les monarchies du Golfe ;

2) les États qui ont aidé les djihadistes et les Frères musulmans, comme le Qatar ;

3) les réfugiés syriens, majoritairement sunnites, qui reviendront difficilement dans une Syrie reconquise où des alaouites et des sunnites pro-gouvernementaux les ont remplacés...

À cet ensemble, on peut ajouter trois autres groupes « moins gagnants » que prévu :

1) les Kurdes syriens des YPG (4), dont le rêve d'un État indépendant (« Rojava ») a capoté. Abandonnés par les Russes et les Occidentaux, ils ont été empêchés par l'armée turque de faire la jonction entre les cantons kurdes de l'Est et ceux situés à l'ouest de l'Euphrate ;

2) les Occidentaux, qui ont contribué à faire reculer Daech, mais qui n'ont pas réussi à arrêter les massacres et à renverser Bachar al-Assad ;

3) la République islamique d'Iran et les milices chiites (Hezbollah libanais, etc.), qui voulaient implanter des forces aux portes de l'État juif et qui se sont heurtées à l'armée israélienne avec l'assentiment de la Russie.

La mainmise de Moscou sur le régime de Damas

Les buts de guerre de Moscou en Syrie sont connus : le sauvetage du régime (qui ne saurait être réduit à la personne de Bachar al-Assad) ; l'élimination des terroristes russophones ayant rejoint Daech ou Al-Nosra avant qu'ils ne reviennent chez eux ; et le maintien des deux grandes bases militaires, Hmeimim et Tartous. L'accès aux mers chaudes constitue, en effet, pour la …