Pionnier en investissement responsable, Amundi a annoncé en octobre dernier un plan d’action ambitieux, qui vise à déployer l’intégration des enjeux environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) au sein de toutes ses gestions.
Cette annonce est la suite logique d’un engagement pris dès sa création en 2010, définissant l’investissement responsable comme l’un de ses piliers fondateurs. À cette époque, la prise en compte des critères ESG par les investisseurs était encore marginale. Elle était principalement le fait de quelques grands institutionnels d’Europe du Nord qui pratiquaient surtout l’exclusion. Depuis, l’intégration ESG tend à devenir la norme chez les asset owners et les asset managers.
Ce choix reposait sur deux convictions. La première correspond à une conscience claire de la responsabilité des investisseurs pour allouer l’épargne en prenant en considération, au-delà des critères financiers, son impact sur la société en général. La seconde réside dans la conviction que cette prise en compte des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance dans les politiques d’investissement est aussi un gage de performance financière, ce qui est encore plus vrai dès que l’on se situe sur un horizon de long terme. Nous pensons que la performance financière, pour qu’elle soit durable, nécessite des stratégies de long terme en matière de respect de l’environnement, de valorisation du capital humain et de bonne gouvernance. Ainsi, intégrer les enjeux ESG dans les politiques d’investissement permet d’allier intérêt économique et intérêt général.
Amundi affiche d’ores et déjà 280 milliards d’euros d’encours sous gestion en investissement responsable, ce qui représente près de 20 % de nos encours globaux et nous positionne comme l’un des contributeurs les plus importants.
Et nous voulons aller beaucoup plus loin, marquer un profond tournant dans la façon d’exercer le métier de gestionnaires d’actifs : d’ici trois ans, Amundi deviendra 100 % ESG dans la notation, la gestion et les votes, comme nous l’avons annoncé à l’automne dernier dans notre plan d’action 2021.
Notre engagement sera ainsi renforcé selon trois axes principaux : la prise en compte de la performance ESG dans les stratégies de gestion et dans les politiques d’engagement et de dialogue actionnarial ; l’accompagnement des investisseurs dans leur stratégie ESG et l’exercice de leur responsabilité ; et la poursuite du développement d’initiatives spécifiques pour favoriser les investissements sur certains thèmes, en particulier environnementaux et sociaux.
Vers une performance ESG qui mobilise les entreprises
Les enjeux environnementaux, sociaux et de gouvernance sont devenus un thème majeur, avec une prise de conscience collective des populations et de leurs responsables politiques, surtout autour des sujets liés au climat dont la COP21, fin 2015, a souligné l’urgence. Mais les acteurs de la sphère économique et financière ont aujourd’hui une responsabilité grandissante envers la société, et doivent être des acteurs engagés pour le changement, en relais des pouvoirs publics.
De plus en plus concentrées, avec un champ d’action souvent global, les grandes entreprises couvrent en effet aujourd’hui des domaines auparavant davantage contrôlés par les gouvernements comme l’énergie, la santé, les grandes infrastructures ou la communication. La différence entre le champ d’action mondial des grandes entreprises et les ressorts nationaux sur lesquels les États exercent leurs compétences rend la responsabilisation du secteur privé encore plus nécessaire.
Pour qu’il y ait des investissements durables, il faut évidemment des investisseurs responsables, mais aussi des émetteurs engagés dans des démarches de progrès et conscients de la valeur accordée aux critères ESG. Cette valeur se mesure par l’intégration ESG dans les investissements. L’analyse ESG n’est ainsi plus considérée aujourd’hui par les investisseurs comme un simple « supplément d’âme » ou comme l’expression de certaines valeurs propres à quelques institutions. Elle est devenue aussi nécessaire que l’analyse financière traditionnelle. Elle la complète en permettant la recherche d’une performance ESG en plus d’une performance financière, les deux étant liées à long terme, voire sur des horizons plus courts : il suffit de constater l’impact financier immédiat que peuvent avoir certains risques environnementaux ou de gouvernance quand ils se matérialisent.
Différentes méthodes de sélection ESG sont utilisées par les asset managers à travers le monde. Amundi a ainsi développé une méthodologie de notation ESG aujourd’hui appliquée à quelques 6 000 émetteurs dans le monde, et que nous souhaitons étendre à plus de 8 000 valeurs. Nous nous sommes dotés d’une analyse ESG autonome qui s’appuie sur des fournisseurs reconnus de données extra-financières et sur des référentiels universels (conventions internationales, pacte mondial de l’ONU, objectifs de développement durable) mais qui sait reconnaître les spécificités sectorielles et les particularités culturelles.
Nous constituons des portefeuilles en tenant compte des notes ESG dans la pondération des émetteurs : en surpondérant les émetteurs les mieux notés et en sous-pondérant leurs concurrents les moins avancés sur les enjeux ESG. Dans certains cas extrêmes, nous excluons les émetteurs qui refusent de s’inscrire dans une démarche de progrès, ou les activités dont les très fortes externalités négatives les exposent à des pressions croissantes de la société et des évolutions réglementaires (politique d’exclusion ciblée dans les secteurs de l’armement, du charbon, du tabac). En 2018, Amundi excluait ainsi 140 entreprises de ses gestions.
Le développement du reporting d’informations ESG par les entreprises est un enjeu clé. Nous l’encourageons dans notre dialogue continu avec les émetteurs et par notre soutien à certaines initiatives actives sur ce sujet. La transparence et la disponibilité des données sont essentielles pour bien jouer notre rôle d’investisseur responsable, et pour produire une analyse de qualité, robuste, avec des données comparables. Il y a aussi un effort à faire pour nous permettre d’étendre l’analyse ESG à des classes d’actifs aujourd’hui mal servies par l’investissement responsable, comme les valeurs de pays émergents, les valeurs à haut rendement ou les petites et moyennes capitalisations.
Dans le cadre de nos ambitions ESG, j’ai d’ailleurs annoncé l’extension de l’intégration de l’analyse ESG à toutes nos gestions, aussi bien actives que passives, chaque fois que cela sera techniquement possible.
Tous les fonds gérés de manière active devront offrir une performance ESG supérieure à leurs indices ou univers de référence. il s’agit donc de se fixer un objectif de surperformance ESG en plus de l’objectif de performance financière dans nos stratégies de gestion.
Le rôle incitatif des investisseurs à long terme
Mais l’enjeu de l’investissement durable va bien au-delà de la notation. Il s’agit aussi, à travers l’exemplarité, le dialogue et le partage d’expertise, d’accompagner les entreprises et de promouvoir les meilleures pratiques. Nous menons une politique de dialogue ouvert avec les émetteurs sur des thématiques liées aux grands enjeux du développement durable, comme l’impact environnemental du charbon dans la génération d’électricité, mais aussi sur des sujets tels que l’eau, les hydrocarbures non conventionnels ou l’huile de palme, afin d’expliciter nos positions. Enfin, Amundi a co-publié des recherches académiques sur les risques liés au changement climatique et sur le financement de la transition énergétique.
En tant qu’investisseurs à long terme, nous pouvons faire évoluer les entreprises et les encourager à s’engager dans la stratégie globale ESG. Il ne s’agit pas de les montrer du doigt, mais de suivre une logique de responsabilité et d’amélioration. Nous nous exprimons sur les grandes orientations que doivent prendre les entreprises dans lesquelles nous sommes investis, au travers de l’exercice de nos droits de vote et du dialogue actionnarial. nous pouvons peser sur les stratégies des entreprises, d’autant que nous figurons souvent parmi leurs premiers actionnaires. L’ESG est un moyen d’allouer l’épargne vers les acteurs leaders dans leurs domaines sur ces critères de responsabilité, ou au contraire de faire pression sur ceux qui sont en retard, dans un dialogue constructif. En 2017, Amundi a participé à plus de 2 500 assemblées générales et dialogué activement avec plus de 230 émetteurs, entraînant des améliorations substantielles des pratiques des sociétés pour près de 50 d’entre elles. Nous avons décidé d’accentuer notre implication dans les assemblées générales et de systématiser la prise en compte de l’ensemble des critères ESG dans notre dialogue actionnarial, au-delà des seuls sujets de gouvernance qui remontent spontanément dans les résolutions proposées habituellement dans ces assemblées.
C’est pourquoi, au-delà des solutions de gestion responsable qu’Amundi va continuer à développer, et au-delà de la prise en compte généralisée de l’ESG dans toutes nos gestions, nous souhaitons aussi accompagner les investisseurs dans leurs réflexions stratégiques sur leur politique d’investissement et dans leurs relations aux entreprises dans lesquelles ils investissent. Cela fait partie du rôle d’un gestionnaire d’actifs responsable.
Des initiatives spécifiques sur des enjeux clés
Au-delà de l’intégration ESG et de la politique d’engagement, qui s’appliquent globalement aux portefeuilles d’Amundi, nous avons aussi déployé des solutions thématiques innovantes pour favoriser l’investissement dans des projets à impact environnemental, social et solidaire. Ces fonds dédiés visent à générer un impact ciblé pour répondre aux grands enjeux du développement durable. Leurs encours s’élèvent actuellement à 10 milliards d’euros, et nous avons pour objectif de les doubler d’ici à fin 2021.
En matière de climat, la prise de conscience de la matérialité des risques induits par le dérèglement climatique s’est traduite par des innovations financières visant à diminuer l’exposition des portefeuilles aux risques carbone, mais aussi par le développement de solutions de financement de la transition énergétique. Le développement des « technologies vertes » génère en effet de grands besoins de financement et représente des opportunités d’investissement prometteuses dans le domaine des énergies renouvelables, de la gestion de l’eau et des déchets, des infrastructures, que ce soit à travers des solutions actions ou des solutions obligataires (fonds green bonds).
Amundi a été très active ces dernières années en proposant des initiatives spécifiques innovantes. J’en mentionnerai trois :
- notre partenariat avec EDF, Amundi Transition Énergétique, spécialisé dans les infrastructures énergétiques ;
- notre partenariat avec l’IFC, pour lancer le plus grand fonds d’obligations vertes sur les marchés émergents, avec déjà 1,5 milliard de dollars sous gestion, ciblé sur les projets verts dans les pays émergents ;
- nos fonds indiciels low carbon, distribués dans le monde entier. nous détenons le plus important ETF low carbon, avec 850 millions de dollars sous gestion.
En matière d’impact social, Amundi apporte son soutien à des entreprises de l’économie sociale et solidaire à travers un fonds dédié — Finance et solidarité — qui dépasse 200 millions d’euros d’encours avec un objectif à 500 millions d’euros. ce fonds investit dans les titres non cotés d’une trentaine d’entreprises solidaires, actives principalement dans les domaines de l’emploi, du logement, de la santé, de la solidarité internationale et de l’environnement.
Privilégier une vision à long terme
Les vingt ou trente dernières années ont été marquées par une libéralisation croissante du système financier, avec une montée en puissance des acteurs de marché court terme, tels que les hedge funds ou les banques d’investissement, qui expriment des attentes de rentabilité élevées à court terme vis-à-vis des modèles économiques des entreprises. or il ne saurait y avoir de stratégie de développement durable que si elle s’inscrit dans le long terme.
Cette approche est-elle en contradiction avec la rentabilité des entreprises et leur performance boursière ? Certainement pas. Les études montrent que le choix de stratégies durables, loin de détruire de la valeur, permet à l’investisseur de se prémunir contre certains risques — financiers, de réputation, opérationnels et réglementaires — et aussi d’identifier les opportunités de croissance. La récente étude menée par Amundi a ainsi démontré que, depuis 2014, l’ESG est clairement devenu un facteur de performance.
Les choses sont en train de changer : les investisseurs institutionnels, qui sont de très loin les principaux apporteurs de capitaux aux entreprises, ont pris conscience de leur responsabilité. Ils ont compris que la performance financière ne pouvait se faire au détriment des intérêts de la société en général.
La mise en œuvre de stratégies durables dans les modèles d’affaires nécessite des points de vue à long terme et doit être soutenue par des investisseurs de long terme. Être un acteur responsable signifie s’engager dans un dialogue constructif avec les émetteurs et exercer les droits de vote lors des assemblées générales.
De nos jours, aucune entreprise, aucun investisseur ne peut plus s’exonérer de sa responsabilité envers les sociétés dans lesquelles il opère. Cette démarche responsable doit être mise en œuvre de manière rigoureuse, honnête et modeste : pas de stigmatisation ni de promesses intenables. Nous devons agir avec pragmatisme et regarder en face ce que l’avenir nous réserve, en bien ou en mal, sans a priori ni dogmatisme, tout en reconnaissant que les évolutions de modèles économiques et les transitions, pour être menées dans de bonnes conditions, doivent parfois être menées de façon progressive. La défense de valeurs universelles s’impose, mais elle doit se mettre en œuvre en tenant compte des spécificités propres à chaque pays.