Depuis plusieurs années, Moscou cherche à mettre en oeuvre une politique de diversification des voies d'approvisionnement de l'Europe en gaz russe. L'objectif est double : d'une part, sécuriser ses exportations ; de l'autre, contourner l'Ukraine, pays par lequel transitait la quasi-totalité du gaz russe à destination de l'Europe jusqu'au début des années 2000 et qui gère environ 35 % de ce flux aujourd'hui. L'Europe, de son côté, s'efforce elle aussi de procéder à une diversification dans le domaine énergétique : elle souhaite avoir accès à davantage de formes d'énergie importée, de fournisseurs et de voies d'acheminement.
Dans cet effort simultané des acteurs russes et européens, 2019 a toutes les chances de se révéler une année décisive. Pour au moins trois raisons. Premièrement, le contrat gazier qui lie la Russie et l'Ukraine pour le transport de gaz vers l'Europe arrivera à échéance le 31 décembre de cette année. Deuxièmement, la Russie a annoncé que le gazoduc sous-marin Nord Stream 2 (qui, via la mer Baltique, doit permettre d'acheminer 55 milliards de m3 de gaz naturel russe supplémentaires vers l'Allemagne aux termes d'un doublement du gazoduc parallèle existant, dénommé Nord Stream 1) serait mis en service fin 2019. Troisièmement, c'est également en décembre 2019 que le tube sous-marin TurkStream, disposé au fond de la mer Noire, doit devenir opérationnel : il fournira dans un premier temps le marché turc mais sa capacité, de 15,75 milliards de m3 par an, doit être doublée d'ici à 2022, ce qui lui permettra d'alimenter plusieurs pays d'Europe du Sud (1). Si la tenue de ces délais est régulièrement mise en cause, c'est pour des raisons politiques et non à cause d'entraves techniques. La Russie a déjà montré sa capacité à poser des tubes au fond de la mer : Blue Stream relie depuis 2003 la Russie à la Turquie à travers la profonde mer Noire (capacité de 16 milliards de m3 par an) et Nord Stream 1 (capacité de 55 milliards de m3 par an) court de Russie jusqu'en Allemagne via la Baltique depuis 2012. En revanche, les atermoiements et entraves de l'Union européenne, en particulier de plusieurs de ses pays membres (Danemark, Pologne, Grèce, Bulgarie, etc.), et l'intrusion des États-Unis dans le grand jeu gazier russo-européen sont de nature à retarder, voire à bloquer certains projets.
Nord Stream : doubler n'est pas diversifier
La difficile naissance de Nord Stream 1
Le premier projet de gazoduc Nord Stream, lancé en 2005, avait suscité une forte opposition de la part de certains États européens : résultat d'un accord passé entre deux amis, le président russe Vladimir Poutine et le chancelier allemand Gerhard Schröder, ce tube sous-marin visait explicitement à éviter les pays de transit. L'Ukraine, par laquelle passaient alors environ 80 % du gaz russe destiné à l'Europe (2), était visée en premier lieu (en bonne partie parce que, à l'issue de la Révolution orange de l'hiver 2004, une équipe pro-occidentale s'était installée au pouvoir à Kiev, mais aussi parce que les deux pays peinaient régulièrement et …
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