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Carte blanche à Florence Parly

Politique Internationale — Faut-il vendre des armes à l’Arabie saoudite ?

Florence Parly — L’Arabie est un partenaire ancien de la France auquel tous les gouvernements des trente dernières années ont vendu des armes en raison de sa position géopolitique, de nos intérêts dans la région, de nos ressortissants, de nos bases militaires et de la nécessité de protéger le libre accès au golfe arabo-persique. La question n’est pas de savoir si on doit se couper d’un partenaire important ; elle est plutôt de nous assurer au cas par cas que les équipements que nous lui vendons ne seront pas utilisés d’une manière contraire à nos engagements internationaux. Nous examinons donc, licence par licence, s’il y a un « risque prépondérant » d’utilisation contraire au droit international, comme le dit le traité sur le commerce des armes. Lorsque c’est nécessaire, nous disons non, sans fausse pudeur. Mais lorsqu’il n’y a pas de risque prépondérant, nous disons oui. Car l’Arabie a aussi un droit légitime à se protéger contre les attaques de Houthis manipulés par l’Iran, qui tirent des missiles sur Riyad. Ce ne sont pas des jugements qui sont toujours faciles ; c’est pour cela que nous avons un mécanisme rigoureux d’analyse qu’on appelle la CIEEMG.

P. I. — La prise d’autonomie diplomatique et militaire de l’Arabie saoudite depuis plusieurs années est-elle une bonne ou une mauvaise chose ?

F. P. — L’Arabie est le plus grand pays du Golfe, et ce n’est pas un pays sous dépendance. Je dirais plutôt, au contraire, que c’est l’un des pays qui donnent le « la » au plan régional. Cela ne date pas d’aujourd’hui. Rappelons par exemple son rôle dans les accords de Taëf qui ont mis fin à la guerre du Liban, ou dans l’Initiative arabe de paix pour la Palestine en 2002. Ce qui est nouveau, en revanche, c’est le fait que les États-Unis, avec la révolution de la fracturation hydraulique, se sont rendus plus indépendants des grands pays producteurs de gaz et de pétrole du Golfe. Quant à nous, nous avons des relations anciennes avec l’Arabie, comme avec les Émirats et le Qatar d’ailleurs, et nous avons l’habitude de considérer ces pays comme des pays souverains qui conduisent leur propre politique et traitent comme tels avec nous.

Ces deux réponses sont extraites de l’interview exclusive que nous a accordée Mme Florence Parly pour le no 164 (été 2019) de Politique Internationale.