Plus d’un an déjà. Ce 22 février 2019, la tentative du régime algérien visant à imposer un cinquième mandat d’Abdelaziz Bouteflika — un président grabataire qui n’apparaissait plus en public que sous les traits de son portait encadré — faisait office de détonateur dans un horizon déjà miné par les inégalités et des conditions de vie indécentes. Révoltés, humiliés par le spectacle physique dégradant censé représenter un peuple si fier et si attaché à l’image de son pays, des centaines de milliers d’Algériens descendaient dans les rues de tout le pays aux cris de : « Vous avez fait de nous la risée du monde. » Impensable quelques mois plus tôt, le Hirak, un mouvement de révolte profond et sans précédent depuis les fêtes de l’indépendance en 1962, venait de naître. Depuis, sous la canicule, le froid ou un déluge de pluie, il déferle chaque vendredi (1), exigeant obstinément un « état civil et non militaire » et un « changement de système ».
Face à lui, un régime à bout de souffle arc-bouté depuis soixante ans sur une fiction — un édifice institutionnel civil — dissimulant une réalité : un pouvoir militaire autoritaire, corrompu (2) et à l’incurie légendaire. Désemparé face à l’irruption d’une rue qu’il n’a jamais su gérer et l’ampleur d’une crise qu’il n’a pas vue venir, il pensait éteindre l’incendie en imposant la tenue d’un scrutin présidentiel. L’objectif était de contrecarrer toute transition menée par des personnalités indépendantes et de rendre au régime une façade civile présentable après la démission forcée d’Abdelaziz Bouteflika. La campagne ne s’est pas déroulée sans mal : les candidats hués n’ont pas réussi à tenir meetings ; les autorités n’ont pas pu organiser les contre-manifestations coutumières dans les régimes autoritaires ; tandis que le chef d’état-major, le général Ahmed Gaïd Salah rabâchait le répertoire inoxydable de l’« ingérence étrangère » et du « complot » et que le ministre de l’Intérieur traitait les opposants au vote de « traîtres, pervers, homosexuels inféodés aux colonialistes » !
Aujourd’hui, l’armée peut nourrir le sentiment d’avoir « réussi son coup ». Après avoir fait passer en force « son » élection présidentielle, elle est à même de faire valoir — particulièrement auprès de ses partenaires étrangers — la fin (formelle) du vide institutionnel et un retour à la légalité constitutionnelle. Elle n’a pas, pour autant, jugulé la crise. Même si la suspension du Hirak — Covid-19 oblige — lui enlève une sérieuse épine du pied. Sa volonté d’imposer un simple replâtrage du régime pour ne pas renoncer à sa domination reste inconciliable avec l’exigence de la rue : un « changement de système ». En dépit de l’élection — contestée — d’Abdelmajid Tebboune le 12 décembre 2019, l’Algérie entre donc dans une période d’incertitude.
Plusieurs inconnues majeures concourent à rendre la situation difficilement prévisible : la marge de manœuvre du nouveau chef de l’État face à une armée qui l’a fait roi ; sa capacité à attirer — grâce à ses promesses d’« ouverture …
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