Brexit or not Brexit ?

n° 167 - Printemps 2020

Lors du référendum du 23 juin 2016, les Britanniques ont voté pour le Leave, c’est-à-dire la sortie de l’Union européenne : le Brexit. Ce résultat déjoue les manœuvres politiciennes du premier ministre, David Cameron, qui ne prévoyait vraiment pas cette issue. Pour gagner les élections en 2015 et mobiliser l’électorat eurosceptique du parti conservateur, il avait promis de renégocier la place de la Grande-Bretagne dans l’UE et de soumettre le résultat au vote du peuple. Fort de l’accord signé avec les Européens le 19 février 2016 qu’il juge satisfaisant, il organise la consultation populaire en juin, milite pour le Remain, perd la partie et démissionne en juillet. Theresa May, qui lui succède, s’enlise pendant trois longues années dans les négociations avec les instances européennes et avec son propre Parlement où sa position est considérablement fragilisée après les élections de juin 2017.

Quelques semaines plus tôt (le 29 mars 2017), la première ministre avait activé l’article 50 du traité de l’Union européenne, enclenchant officiellement la négociation de sortie qui, aux termes dudit article, devait être bouclée au bout de deux ans, le 29 mars 2019. Faute de quoi, c’était le no deal, un divorce brutal, qui prévaudrait. Après vingt mois d’âpres discussions, un accord est trouvé avec les Européens, le 14 novembre 2018. Par trois fois, celui-ci est rejeté par les parlementaires britanniques, le 15 janvier, les 12 et 29 mars 2019. Par trois fois, Theresa May demande et obtient de l’Europe un report de l’échéance : du 29 mars au 12 avril, puis au 30 juin, et enfin au 31 octobre 2019. Reconnaissant son échec, elle démissionne le 7 juin.

Le nouveau premier ministre, Boris Johnson, entré en fonctions le 24 juillet, réussit en quelques mois là où Theresa May a échoué pendant trois ans. D’emblée, il annonce qu’il compte négocier un nouvel accord avant l’échéance du 31 octobre et que, si cet accord n’est pas trouvé, il acceptera la situation du no deal. En tout état de cause, il préfère, clame-t-il, « être mort au fond d’un fossé » plutôt que demander un report du Brexit (1). Effectivement, il remporte deux succès éclatants. Le 17 octobre, il obtient in extremis des Européens un nouvel accord. Certes, il ne parvient pas à le faire ratifier complètement par le Parlement et doit quémander ce quatrième report qu’il jurait d’éviter, au 31 janvier 2020. Mais il gagne brillamment les élections législatives du 12 décembre et obtient une majorité confortable qui lui permet de faire ratifier par le nouveau Parlement l’accord du 17 octobre. Pendant trois ans, le Brexit était dans une telle impasse que l’on pouvait se demander s’il allait réellement se faire. La voie est désormais dégagée : Get Brexit done, la promesse de campagne de Boris Johnson a été réalisée le 31 janvier 2020 !

Mais, si l’on n’en a pas fini avec le feuilleton du Brexit, les péripéties et rebondissements de 2016-2020 sont surtout l’écho d’une histoire bien plus longue : cela fait plus de quatre cents ans que …