Myriam Danan — Qui sont les Kurdes ?
Dror Zeevi — À première vue, ils constituent un groupe ethnique. En réalité, il s’agit d’un assemblage de tribus parlant plus de dix langues différentes qui ne se comprennent pas toujours entre elles. La grande majorité des Kurdes sont musulmans sunnites, mais on trouve aussi des Kurdes chiites, des Kurdes chrétiens et il y a même eu des Kurdes juifs.
Ils se décrivent comme un peuple antique de Mésopotamie, étroitement lié à l’histoire de l’islam et descendant en droite ligne de Saladin qu’ils ont érigé en héros national. Fils d’un officier kurde, ce mythique conquérant a régné sur la Syrie, l’Égypte et l’irak et a repris Jérusalem tombée aux mains des chrétiens en 1187.
Mais le mouvement nationaliste kurde n’a réellement pris son essor qu’à la fin du XIXe siècle, grâce aux Turcs ! Les tribus kurdes étaient alors très agressives envers l’Empire ottoman ; elles s’attaquaient régulièrement aux villages et aux soldats en patrouille, turcs ou arméniens. Pour assurer sa mainmise sur cette population rebelle, mais sans réelle revendication à ce moment de l’histoire, le régime ottoman a formé des brigades kurdes, de véritables milices auxquelles il a fourni des armes, des montures et même des salaires... C’est cette nouvelle organisation interne qui a marqué le début des ambitions nationalistes kurdes. L’idée d’un État a commencé à faire son chemin chez ces milices qui se sont rapidement considérées comme l’ébauche d’une armée d’un pays inexistant.
M. D. — Et ils n’ont pas tardé à passer de la théorie à la pratique...
D. Z. — Effectivement, dès 1844, l’émir kurde Bedir Khan établit une principauté de la Perse jusqu’au Tigre, qui ne durera que deux brèves années. À la fin de la Première Guerre mondiale, les Kurdes ont tenté de se faire une place par la voie diplomatique en envoyant des représentants à la conférence de paix de Paris de 1919. L’objectif était de rassembler les soutiens nécessaires à la création d’un État kurde. L’effondrement de l’Empire ottoman offrait une occasion unique de redessiner les frontières dans la région, mais la tentative a échoué.
Depuis lors, cette aspiration nationaliste kurde survit tant bien que mal. En Iran en janvier 1946, à l’époque où l’URSS contrôlait le nord du pays, ils ont réussi à proclamer une république kurde pendant un an, à Mahabad, avant d’être défaits par l’armée du Shah.
Aujourd’hui, les Kurdes d’Iran ne représentent qu’une petite partie de la minorité kurde, sans grande influence politique. Ils sont assez bien intégrés au sein de la population et de l’économie iraniennes, même s’ils restent géographiquement circonscrits au nord et qu’évidemment la république islamique surveille et sanctionne sévèrement toute velléité séparatiste.
M. D. — Les Kurdes sont aujourd’hui la plus importante minorité dans le monde à ne pas disposer d’un État. Leur revendication n’est-elle pas légitime ?
D. Z. — Ils sont, d’après le décompte d’organisations kurdes, plus de 40 millions. Alors oui, selon un critère numérique et le sacro-saint droit des peuples à …
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