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Le Brexit et la question écossaise

« Ce n’est qu’un au revoir, nous nous retrouverons. » c’est par ces paroles d’une fameuse ballade écossaise, popularisée par le barde national Robert Burns, que l’eurodéputé indépendantiste Christian Allard, élu du Scottish National Party (SNP) et « Écossais de citoyenneté française » (1), a conclu son dernier discours à Strasbourg avant le Brexit Day (2). Ce même chant a été entonné en chœur par les députés européens pour marquer la sortie officielle du Royaume-Uni, suscitant l’émotion de la première ministre écossaise Nicola Sturgeon, pour qui c’était une belle preuve, s’il en était encore besoin, du fait que son pays quittait « un lieu auquel il appartenait » (3)... Au pouvoir à Édimbourg, mais impuissant à maîtriser le destin de l’Écosse en matière de politique internationale, le SNP n’aura cessé de rappeler pendant trois ans et demi que cette nation était « traînée hors de l’ue contre sa volonté » (4).

L’Écosse a très nettement voté pour rester dans l’UE lors du référendum britannique de 2016. Avec 62 % de suffrages pour le maintien (contre 47 % en Angleterre et 48 % en moyenne dans l’ensemble du Royaume-Uni), elle était même la région britannique la plus opposée à la sortie, devant Londres. Pas une seule circonscription, pas même parmi les plus défavorisées, n’a opté pour le Brexit, ce qui montre clairement que celui-ci ne peut être réduit à ses seules causes d’ordre socio-économique. Depuis le référendum, les Écossais ont confirmé leur opposition au Brexit en rejetant le parti conservateur, principal porteur du projet de sortie de l’UE lors des deux élections législatives britanniques de 2017 et de 2019 — et cela, au profit du SNP, clairement pro-européen. En décembre 2019, celui-ci a remporté plus de 80 % des sièges et 45 % des voix en Écosse...

Ces différences de vote ont rouvert  le dossier de l’indépendance écossaise, quelques années à peine après la victoire du camp « unioniste » au référendum d’autodétermination de 2014, alors que les résultats de ce scrutin étaient censés calmer le jeu au moins le temps d’une génération. Le premier ministre britannique Boris Johnson, fermement opposé à l’organisation d’un nouveau référendum, n’a d’ailleurs de cesse de le rappeler. son homologue écossaise lui rétorque que le Brexit a totalement changé la donne, et que le Royaume-Uni au sein duquel une majorité d’écossais a voté pour rester en 2014 n’existe plus.

Le sentiment pro-européen n’est pas et n’a jamais été le principal moteur de l’indépendantisme écossais : la question européenne a beau y être moins clivante qu’en angleterre, elle ne fait pas non plus l’unanimité en Écosse. En réalité, ce n’est pas seulement le principe même du Brexit qui pose un problème à ses habitants ; c’est aussi le fait qu’ils se voient contraints de sortir de l’UE contre leur volonté telle qu’ils l’ont exprimée dans les urnes. La légitimité même de la démocratie britannique se trouve profondément contestée en raison du Brexit, et c’est bien cela qui est susceptible de rassembler tout le peuple écossais derrière le …