La crise sanitaire que nous vivons est différente de toutes celles que les générations précédentes ont pu connaître. Les convocations de la grande peste noire de 1348 ou de la grippe espagnole de 1918-1919 sont intéressantes en ce qu’elles nous permettent de repenser les conséquences des pandémies. Mais elles ne disent rien, pour autant, de la capacité de résilience d’une société dont l’économie est mondialement intégrée, et qui avait perdu presque toute mémoire du risque infectieux.
Si la crise actuelle est de prime abord différente, ce serait par la vitesse de propagation de cette maladie. Trois mois après le début de la crise sanitaire, près de la moitié de la population de la planète est appelée au confinement. Même si la contagiosité du virus a vraisemblablement joué un rôle dans ce basculement, du stade épidémique à celui de pandémie, la mondialisation marquée par l’accélération de la circulation des personnes est au cœur du processus de propagation (1). Le délai de réaction des pays développés, dont les systèmes de santé ont été rapidement submergés, doit sans doute être également incriminé. Il atteste d’un défaut de prévoyance et d’une confiance — infondée — dans la capacité des systèmes sanitaires à protéger massivement leur population tout en s’approvisionnant en matériel de protection et en tests de dépistage au fil de l’eau, auprès de fournisseurs étrangers, majoritairement chinois. Sans doute ceci n’était-il pas fatal. Taïwan, forte de ses expériences lors d’épidémies antérieures, disposait d’équipements de protection en quantité (2), de capacités de production de ceux-ci et d’un département dédié à la gestion des maladies infectieuses capable, notamment, de déployer rapidement des applicatifs de gestion et de partage de données sur les patients infectés. Il est, sans doute, normal qu’un système de soins ne soit pas fait pour traiter une demande brutale et temporaire. Mais, dans ce cas, il importe qu’il soit réactif, c’est- à-dire capable de réorienter son offre et de mobiliser des réserves prédéfinies et recensées. Cette agilité, il semblerait bien qu’elle nous ait fait défaut.
L’autre différence structurelle entre cette crise sanitaire et les crises antérieures tient à son ampleur. Nombreux sont ceux qui ont, dans un premier temps, tenté de relativiser la gravité de la situation en rappelant le nombre de morts dus à la grippe saisonnière, aux épidémies de VIH et d’Ebola, voire aux conséquences sanitaires des pratiques addictives telles que l’alcool ou le tabac. Outre que l’on ne connaîtra les conséquences létales du Covid-19 que lorsqu’on aura jugulé sa transmission, avancer ce type d’argument revient à faire fi du caractère global et absolu de cette pandémie. Global dans la mesure où aucune aire géographique n’est plus épargnée et parce que la pandémie vient croiser une démographie mondiale qui est sans comparaison avec celle de 1919 : le simple nombre d’individus appelés à rester à domicile est aujourd’hui deux fois plus important que la population mondiale totale lors de l’épisode de grippe espagnole. Absolu, car il est évident qu’aucun individu ne peut se considérer comme étant à l’abri du risque …
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