Les Grands de ce monde s'expriment dans

L’Irak sous influence

Le long des hauts murs de béton de l’enceinte sécurisée de l’aéroport international de Bagdad, deux véhicules aux vitres teintées foncent à toute allure sur la voie rapide en direction de la capitale irakienne, peu après minuit, le 3 janvier 2020. Abou Mahdi Al-Mohandes, le numéro deux des unités de la Mobilisation populaire (MP), une force gouvernementale dominée par les milices chiites proches de l’Iran (1), est venu accueillir à l’aéroport, dans la plus grande discrétion, un invité très spécial. Le convoi VIP a à peine parcouru deux kilomètres qu’un drone américain le cible de plusieurs frappes.

Au milieu des carcasses calcinées des véhicules, l’un des corps démembrés porte une bague en argent sertie d’une grosse pierre rouge, qui laisse peu de doute sur l’identité du mystérieux invité. Il n’est autre que le général iranien Ghassem Soleimani, le chef de la force Al-Qods, en charge des opérations extérieures des Gardiens de la révolution. En un tir de drone, les Américains viennent d’éliminer l’architecte de l’expansion iranienne au Moyen-Orient, son lieutenant en Irak, Abou Mahdi Al-Mohandes, ainsi que huit autres personnes.

L’onde de choc

La mort de Ghassem Soleimani provoque une véritable onde de choc au Moyen-Orient. Aux yeux de Téhéran et de ses alliés, l’élimination de celui qui passait pour le deuxième homme fort de la République islamique, après le Guide suprême Ali Khamenei dont il était proche, n’est autre qu’une déclaration de guerre. À la tête de la force Al-Qods, Ghassem Soleimani avait bâti un solide réseau de milices chiites dévouées à l’Iran. Un réseau composé du Hezbollah libanais ; des milices irakiennes qui ont combattu l’occupation américaine (2003-2011) puis l’organisation État islamique (EI) au sein des unités de la MP ; des milices syriennes, irakiennes et afghanes engagées aux côtés des forces du président syrien Bachar al-Assad dès 2011 ; et de la milice chiite houthiste au Yémen. Il leur a transféré un armement toujours plus sophistiqué, dont des missiles balistiques, destiné à combattre le « Grand Satan » (l’Amérique) et ses alliés (Israël et les puissances du Golfe). Stratège militaire passant de front en front pour finaliser les plans de bataille, le général de 62 ans était aussi une sorte de pro-consul de la République islamique au Moyen-Orient, allant d’une capitale à l’autre pour faire et défaire les gouvernements.

L’administration américaine a invoqué une « menace imminente » contre les intérêts américains pour justifier l’assassinat de celui qui était devenu leur bête noire dans le bras-de-fer engagé avec l’Iran. Or, bien que répétée à l’envi dans les médias par le président Trump et les hauts responsables de son administration, cette justification n’apparaît pas dans le rapport transmis par le Pentagone au Congrès américain. Selon ce rapport, le président Trump « a ordonné cette action en réponse à une escalade d’attaques dans les mois qui ont précédé par l’Iran et les milices qu’il soutient » contre les forces et les intérêts américains dans la région.

L’élimination du général iranien était l’une des options discutées, le 29 décembre 2019, …