Entretien avec Yoav Galant, ministre israélien de l’Immigration et de l’Intégration depuis janvier 2019 par Myriam Danan, journaliste sur la chaîne d'information internationale israélienne i24 News.
Ancien ministre de la Construction et du Logement et actuel ministre de l’Immigration et de l’Intégration, Yoav Galant est avant tout un militaire de carrière. De ses années passées à l’armée il a gardé un discours bref et sans atours, une allure raide, le regard franc de ceux qui savent quels sont leurs objectifs. Entré en politique il y a tout juste cinq ans, il a été courtisé par plusieurs partis de droite avant de choisir de s’associer à Moshe Kahlon du parti Koulanou (1), puis au Likoud en janvier 2020 à la demande pressante de Benyamin Netanyahou.
Ancien commandant de la région Sud et ancien secrétaire militaire d’Ariel Sharon, Yoav Galant est à deux reprises pressenti pour le poste de chef d’état-major. Il en est écarté une première fois en 2010 à cause de l’affaire Herpaz dans laquelle sont remis en cause plusieurs responsables militaires de haut rang suspectés d’avoir fabriqué des faux documents. Bien qu’il ait été finalement blanchi, le retentissement médiatique est tel qu’il ne sera pas nommé.
Après Ehud Barak, c’est Benyamin Netanyahou qui voudra à nouveau lui confier le poste de chef d’état-major, pour lequel il reste favori. Mais la plainte d’une organisation écologiste suite à une déclaration erronée concernant son patrimoine immobilier l’écartera à nouveau d’une nomination en 2011.
Amer, il dénonce alors de graves malversations politiques (2) et démissionne de l’armée en 2011. Décidé à prendre du recul mais fréquemment courtisé pour son expérience politique et sa popularité persistante, Yoav Galant est finalement élu député du parti Koulanou en 2015. Il devient ministre pour la première fois la même année.
Il est aujourd’hui le cadre du Likoud le plus expérimenté militairement et, de ce fait, l’un des plus proches conseillers de Netanyahou sur les questions sécuritaires. Comme le premier ministre (avec lequel il affiche une totale convergence de vues sur la plupart des dossiers), il affirme que l’Iran est la menace prioritaire qui pèse sur Israël, loin devant le conflit israélo- palestinien.
M. D.
Myriam Danan — Pourquoi l 'Iran est-il, à vos yeux, la principale menace qui pèse sur l’État d’Israël ?
Yoav Galant — Il ne faut pas se voiler la face. Depuis trente ans, l’Iran est une tornade, une tempête chiite qui traverse de long en large le Moyen-Orient. L’obstination avec laquelle ce pays pousse des acteurs régionaux à agir contre nous le montre bien. Il suffit de s’attarder un instant sur l’histoire de l’Iran avant la révolution islamique pour se rendre compte que, jusque-là, jamais les Iraniens n’avaient tenté de s’étendre au-delà de l’Euphrate. Pendant des siècles, ce fleuve était une frontière, un mur entre l’Iran et le monde occidental. Avec la première guerre du Liban, tout a changé (3). Nous nous sommes mis à comprendre que ce que veulent les Iraniens, c’est dominer le Moyen-Orient. C’est pour cette raison que le régime iranien a créé, financé et influencé des groupes terroristes comme Amal et le Hezbollah. Dominer, les Iraniens n’y sont pas encore parvenus. Mais la menace qu’ils font planer sur Israël existe bel et bien. Les fronts sud et nord d’Israël sont constamment sous pression à cause de groupes terroristes et d’États ennemis téléguidés par l’Iran. La menace numéro un, ce sont leurs 150 000 missiles à courte, moyenne et longue portée pointés droit sur nous en permanence. Depuis la révolution islamique, la cible numéro un de l’Iran, c’est nous ! Sous bien des aspects, Gaza, le Liban et la Syrie sont sous les ordres directs de Téhéran.
M. D. — Justement, le Liban et la Syrie ne sont-ils pas une menace plus proche et plus urgente pour Israël ? Géographiquement parlant, l’Iran reste assez loin de vos frontières...
Y. G. — Pas si loin ! Tel Aviv-Téhéran = Berlin-Moscou, c’est- à-dire environ 1 500 kilomètres. À votre avis, pourquoi l’Iran cherche-t-il avec tant de persévérance une confrontation avec Israël ? Il y a dans cette attitude une large part de provocation et une manœuvre classique pour tenter de mobiliser l’opinion publique iranienne autour d’un ennemi commun. Je le répète, l’Iran a des ambitions expansionnistes et rêve avant toute chose de contrôler le Moyen-Orient. Téhéran contrôle depuis déjà trente ans le Liban par le biais du Hezbollah, et depuis la seconde guerre du Golfe la muraille sunnite qui séparait l’Iran de l’Asie s’est fissurée (4). De ce fait, l’influence de l’Iran sur ses voisins ne cesse de grandir.
Prenons la Syrie, qui s’était originellement liée à l’Iran par un pacte politique conclu entre Hafez el-Assad et l’ayatollah Khomeiny (5). Cette alliance formalisait la reconnaissance des alaouites, une minorité musulmane chiite, par les autorités religieuses syriennes. Or les alaouites ne sont que 2 ou 3 millions (6) tout au plus en Syrie ! Ainsi, quand le clan el-Assad (d’extraction alaouite) a eu besoin d’un soutien pour asseoir son pouvoir en Syrie, c’est l’Iran qui lui a tendu la main, ce qui a posé les fondements d’une solide alliance politique et militaire entre ces deux pays. Les premières victimes de cette situation sont Israël et les sunnites syriens, largement majoritaires en syrie puisque qu’ils sont 15 millions. Et les choses ne vont pas en s’arrangeant. Ces derniers mois, l’Iran a en effet tenté de transformer cette alliance en véritable emprise pour dessiner un axe allant du golfe Persique à la Méditerranée, et cela, afin d’étendre son champ d’action du Jourdain au Yarmouk (7).
À la frontière du Golan, un second Hezbollah s’est installé, prenant la forme de milices chiites constituées de combattants venus principalement d’Irak et d’afghanistan. Il y a aujourd’hui à Damas une cellule de commandement des « Gardiens de la révolution » qui gère les intérêts iraniens en Syrie et au Liban.
Il est clair que les Iraniens veulent manifester leur présence et multiplier les fronts offensifs, et nous ne pouvons pas le leur permettre ! Nos services de renseignement, notre technologie, notre armée, nos appuis à l’étranger : nous mettons tous nos moyens en œuvre pour lutter contre eux. Jusqu’à présent, grâce aux sanctions américaines et …
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