Longtemps traumatisés par la guerre du Vietnam et rétifs à l’idée de perdre des soldats en terre étrangère, les États-Unis ont abondamment débattu du principe et des conditions de l’emploi de la force militaire au cours des décennies 1980 et 1990. Chaque administration a ainsi délimité son propre champ d’application, optant soit pour une intervention militaire massive basée sur une supériorité humaine et matérielle écrasante (première guerre du Golfe, 1991), soit pour des opérations commandos ciblées contre les terroristes islamistes et l’emploi de drones (raid contre Oussama ben Laden, 2011). Ces deux options stratégiques incitèrent la première puissance mondiale à se désengager de conflits jugés insolubles (Somalie, 1993), à en ignorer certains pourtant dévastateurs (Bosnie, 1992 ; Rwanda, 1994 ; Syrie, 2013) ou encore à se mêler très marginalement d’autres terrains d’affrontement perçus comme des bourbiers potentiels (Libye, 2011).
Né en 1960 à New York, le démocrate James Rubin fut analyste au sein de l’Arms Control Association avant d’être embauché en 1989 par le sénateur Joe Biden en tant qu’expert sur les questions nucléaires, à la tête de la commission des Affaires étrangères du Sénat. Envoyé en Yougoslavie pendant les guerres d’indépendance, il rencontre sur le terrain plusieurs dirigeants politiques des pays issus du bloc yougoslave et se retrouve confronté à la détresse des réfugiés du siège de Dubrovnik (1).
Ces expériences le marquent profondément et l’incitent à revenir sur ses très fortes réticences doctrinales à l’égard de l’emploi de la force.
Déjà sensibilisé aux enjeux de la guerre de Yougoslavie, il rejoint en 1993 l’équipe de Madeleine Albright lorsqu’elle est nommée ambassadrice auprès des Nations unies à New York. Il est alors désireux d’agir à ses côtés pour, se rappelle-t-il, « aider les Bosniaques musulmans, opprimés et garants d’une tolérance et d’un art du vivre ensemble qui dépasse les barrières ethniques et religieuses ». Il devient ensuite le secrétaire d’État adjoint aux Affaires publiques de Mme Albright lorsque celle-ci prend la tête du Département d’État de 1997 à 2001.
James Rubin est aujourd’hui très critique envers les administrations Obama et Trump ainsi qu’envers l’ex-sénateur Joe Biden, naguère si allergique à l’emploi de la force durant la guerre du Golfe. Il leur reproche notamment une absence de politique duale à l’égard d’un adversaire tel que l’Iran. Aussi regrette-t-il que l’élimination du très influent général des pasdarans Qassem Soleimani ne s’inscrive pas dans une action concertée d’endiguement nucléaire et de lutte anti-subversive au Moyen-Orient. Pour lui, ces faits mettent en lumière la position de moins en moins dominante des États-Unis dans le monde. Ce que ne manque pas de souligner également la gestion internationale de la crise sanitaire liée au Covid-19.
Sur tous ces dossiers, James Rubin a bien voulu, pour Politique Internationale, s’exprimer sans détour et à bâtons rompus.
M. P.
Maurin Picard — Vous avez qualifié l’élimination par les États-Unis du général iranien Qassem Soleimani de « justifiée mais pas judicieuse ». Pourquoi ? Que pensez-vous de cette manière forte que Donald Trump souhaite appliquer dans ses relations avec la mollarchie iranienne ?
James Rubin — Je n’ai pas voté …
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