D’Obama à Trump : du bon usage de la force

n° 168 - Été 2020

Longtemps traumatisés par la guerre du Vietnam et rétifs à l’idée de perdre des soldats en terre étrangère, les États-Unis ont abondamment débattu du principe et des conditions de l’emploi de la force militaire au cours des décennies 1980 et 1990. Chaque administration a ainsi délimité son propre champ d’application, optant soit pour une intervention militaire massive basée sur une supériorité humaine et matérielle écrasante (première guerre du Golfe, 1991), soit pour des opérations commandos ciblées contre les terroristes islamistes et l’emploi de drones (raid contre Oussama ben Laden, 2011). Ces deux options stratégiques incitèrent la première puissance mondiale à se désengager de conflits jugés insolubles (Somalie, 1993), à en ignorer certains pourtant dévastateurs (Bosnie, 1992 ; Rwanda, 1994 ; Syrie, 2013) ou encore à se mêler très marginalement d’autres terrains d’affrontement perçus comme des bourbiers potentiels (Libye, 2011). 

Né en 1960 à New York, le démocrate James Rubin fut analyste au sein de l’Arms Control Association avant d’être embauché en 1989 par le sénateur Joe Biden en tant qu’expert sur les questions nucléaires, à la tête de la commission des Affaires étrangères du Sénat. Envoyé en Yougoslavie pendant les guerres d’indépendance, il rencontre sur le terrain plusieurs dirigeants politiques des pays issus du bloc yougoslave et se retrouve confronté à la détresse des réfugiés du siège de Dubrovnik (1).

Ces expériences le marquent profondément et l’incitent à revenir sur ses très fortes réticences doctrinales à l’égard de l’emploi de la force.

Déjà sensibilisé aux enjeux de la guerre de Yougoslavie, il rejoint en 1993 l’équipe de Madeleine Albright lorsqu’elle est nommée ambassadrice auprès des Nations unies à New York. Il est alors désireux d’agir à ses côtés pour, se rappelle-t-il, « aider les Bosniaques musulmans, opprimés et garants d’une tolérance et d’un art du vivre ensemble qui dépasse les barrières ethniques et religieuses ». Il devient ensuite le secrétaire d’État adjoint aux Affaires publiques de Mme Albright lorsque celle-ci prend la tête du Département d’État de 1997 à 2001. 

James Rubin est aujourd’hui très critique envers les administrations Obama et Trump ainsi qu’envers l’ex-sénateur Joe Biden, naguère si allergique à l’emploi de la force durant la guerre du Golfe. Il leur reproche notamment une absence de politique duale à l’égard d’un adversaire tel que l’Iran. Aussi regrette-t-il que l’élimination du très influent général des pasdarans Qassem Soleimani ne s’inscrive pas dans une action concertée d’endiguement nucléaire et de lutte anti-subversive au Moyen-Orient. Pour lui, ces faits mettent en lumière la position de moins en moins dominante des États-Unis dans le monde. Ce que ne manque pas de souligner également la gestion internationale de la crise sanitaire liée au Covid-19. 

Sur tous ces dossiers, James Rubin a bien voulu, pour Politique Internationale, s’exprimer sans détour et à bâtons rompus. 

M. P.

Maurin Picard — Vous avez qualifié l’élimination par les États-Unis du général iranien Qassem Soleimani de « justifiée mais pas judicieuse ». Pourquoi ? Que pensez-vous de cette manière forte que Donald Trump souhaite appliquer dans ses relations avec la mollarchie iranienne ?

James Rubin — Je n’ai pas voté …

Sommaire

La solidarité, maître-mot de la réponse européenne à la crise

par Thierry Breton

Les gagnants et les perdants

Entretien avec Pierre de Villiers par Isabelle Lasserre

La somme de toutes les crises

par Jean-Michel Quatrepoint

Après la crise : débrancher l’Europe fantôme

Entretien avec Daniel Rondeau

Covid-19 : des leaders aux pieds d'argile

par Jean-François Copé

Relocalisation et découplage

Entretien avec François Heisbourg par Grégory Rayko

La France et l’Europe au défi des nouvelles menaces

Entretien avec Maurice Gourdault-Montagne par François Clemenceau

Il n'y aura pas de monde d’après

par Jean-Baptiste Jeangène Vilmer

La Chine au révélateur de l’épidémie

par Marie Holzman

Les nouveaux outils numériques de la dictature chinoise

par Alain Wang

Suède : plaidoyer pour stratégie controversée

Entretien avec Ann Linde par Antoine Jacob

Italie : la voix des patriotes

Entretien avec Giorgia Meloni par Richard Heuzé

Réunification de l’Irlande : un effet collatéral du Brexit ?

par Pierre Joannon

La présidentielle américaine dans la tourmente

par Jean-Éric Branaa

D’Obama à Trump : du bon usage de la force

Entretien avec James Rubin par Maurin Picard

Netanyahou l’insubmersible

par Frédéric Encel

Si tous les musulmans du monde…

Entretien avec Mohammed al-Issa par Jean-Pierre Perrin

Arabie saoudite : au-delà du pétrole et du salafisme

Entretien avec Gilles Kepel par Jean-Pierre Perrin

Liban : le spectre de la double faillite

Entretien avec Karim Daher par Sibylle Rizk