S’entretenir avec Maurice Gourdault-Montagne, maintenant qu’il a pris sa retraite de la carrière diplomatique, c’est évidement refaire le monde. Et le revisiter depuis tous les postes d’observation qu’il a eu la chance d’occuper et de diriger. Fier d’avoir accédé à la fonction de diplomate par le concours d’Orient et non par l’ENA, amoureux de l’Asie passé par les Langues O, chiraquien de la première heure par l’entremise de son ami Dominique de Villepin, Maurice Gourdault-Montagne a fait ses débuts à New Dehli avant de rejoindre Bonn juste avant que le mur de Berlin ne s’effondre. Porte-parole adjoint du Quai d’Orsay, il a forgé des liens étroits avec les journalistes spécialistes de politique étrangère. Il a ensuite passé quatre ans aux côtés d’Alain Juppé, d’abord au cabinet du chef de la diplomatie puis à Matignon comme bras droit du premier ministre. Ambassadeur au Japon, il revient à Paris pour devenir à l’Élysée le sherpa du président Chirac, chargé plus particulièrement de préparer les G8 ainsi que les dialogues stratégiques avec l’Inde et la Chine. S’ensuivent trois postes majeurs d’affilée : Londres, Berlin et Pékin. Il s’en est fallu de peu qu’il enchaînât avec Washington. Secrétaire général du Quai d’Orsay auprès de Jean-Yves Le Drian, il voit se mettre en place les débuts de la présidence Macron et le redémarrage de la relation franco-russe.
Alors, évidemment, le monde d’avant et le monde d’après ne sont pas, pour lui, qu’une affaire de bons mots. Avec la mémoire de l’ancien monde, la passion pour la longue Histoire et, comme Chirac, un respect profond pour les civilisations non occidentales, Maurice Gourdault-Montagne a choisi de sortir du silence qui était lié à ses nombreuses fonctions précédentes pour livrer ses premiers commentaires à Politique Internationale.
F. C.
François Clemenceau — Jean-Yves Le Drian a exprimé la crainte que le monde d’après la pandémie ne soit comparable au monde d’avant « mais en pire ». Partagez-vous cet avis ?
Maurice Gourdault-Montagne — Le monde d’avant était un monde en fragmentation, en rupture avec les principes mis en place au lendemain de la Seconde Guerre mondiale : d’un côté, les Américains se retiraient de leurs engagements sur l’Iran, le climat ou l’OMC, et jetaient un doute sur la pérennité de l’Otan ainsi que sur l’alliance avec le Japon ; de l’autre, les Chinois tentaient de construire un système concurrent de celui que nous avions bâti en 1945, notamment à travers les Routes de la soie. Au milieu, l’Europe était en difficulté, que ce soit sur la crise migratoire, la finance, son identité de défense ou son budget, sans parler du Brexit. Quant à l’Afrique, bien qu’elle possède une classe moyenne solidement implantée, elle est devenue plus inégalitaire et est confrontée à des perspectives démographiques démesurées. C’est dans ce monde-là qu’est survenue la crise sanitaire.
F. C. — Qu’a-t-elle vraiment changé ?
M. G.-M. — Elle a d’abord mis en cause le système multilatéral en touchant au bien mondial de la santé. Face à cela, nous n’étions pas organisés. L’OMS était sous l’influence de Pékin, son …
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