Deux dates récentes resteront probablement dans les annales pour marquer la fin d’une longue phase de l’histoire du Liban, entamée au lendemain de la guerre de 1975-1990 : le 17 octobre 2019, début d’un soulèvement populaire sans précédent contre la classe politique qui a dominé le pays durant ces trente dernières années ; et le 7 mars 2020, déclaration officielle du défaut de paiement sur la dette souveraine libanaise qui consacre la faillite — non seulement de l’État, mais de toute une économie — à laquelle a contribué cette oligarchie.
Car loin des images d’Épinal dépeignant le Liban comme le fruit d’un accord consensuel entre ses dix-huit communautés religieuses, le pays est en réalité dirigé par un clan constitué d’une poignée de chefs, pour la plupart aguerris aux pratiques miliciennes et militaires, et de businessmen — c’est-à-dire d’hommes à la recherche de bonnes affaires, aux antipodes de la notion d’entrepreneuriat — qui ont capté les ressources de l’État pour entretenir leur pouvoir sur des bases clientélistes et s’enrichir personnellement. Si ce système a perduré si longtemps, malgré une économie exsangue, c’est qu’il a été financé par des transferts incessants de capitaux venant des rangs de l’émigration, régulièrement grossis par un chômage endémique. Aux commandes du système financier : Riad Salamé, gouverneur de la Banque centrale depuis 1993, placé là par Rafic Hariri, son ancien client, alors qu’il officiait au sein de Merrill Lynch. L’ancien premier ministre assassiné en 2005 et son fils Saad Hariri qui lui a succédé ont monopolisé la représentation politique de la communauté sunnite. Chez les chiites, le pouvoir a été partagé entre Hassan Nasrallah, chef du Hezbollah, dont le bras armé s’est étendu jusqu’au territoire syrien ; et Nabih Berri, inamovible président du Parlement depuis 1992, qui fut pendant la guerre le chef du mouvement Amal. Sur les Druzes continue de régner la figure tutélaire de Walid Joumblatt, un autre seigneur de la guerre. De leur côté, les leaders chrétiens ont d’abord été marginalisés au plus fort de la période de tutelle syrienne qui s’est achevée en 2005 : Samir Geagea, le chef des Forces libanaises a purgé onze ans de prison, avant de revenir dans le jeu en 2005. Quant à Michel Aoun, ancien commandant en chef de l’armée et président d’un gouvernement de transition, revenu d’exil en 2005, il a accédé à la présidence de la République en 2016, à l’âge de 81 ans, et a intronisé son gendre Gebran Bassil à la tête de son parti. D’autres plus petits acteurs complètent le tour de table de ce clan qui, depuis les coulisses, continue de tirer les ficelles. Après la démission de Saad Hariri en octobre 2019, c’est l’universitaire Hassan Diab qui a été chargé en janvier 2020 de former un gouvernement composé de personnalités nouvelles mais sans réel pouvoir.
Une transition politique est inévitable. Et la bataille est engagée entre ceux qui s’accrochent à leur poste, ceux qui essaient de se refaire une virginité en prétendant passer dans l’opposition, et des forces émergentes mais pas encore structurées qui espèrent en finir …
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