À l’issue d’un stupéfiant marathon de trois scrutins législatifs en moins d’un an, l’État d’Israël s’est enfin doté, le 17 mai 2020, d’un nouveau gouvernement de coalition et d’un chef pour présider à ses destinées : Benyamin « Bibi » Netanyahou ! L’insubmersible premier ministre sortant l’a en effet emporté une fois de plus, même s’il devra composer avec son rival Benny Gantz, l’ancien chef d’état-major de Tsahal, fondateur du parti centriste Kakhol-Lavan (Bleu-Blanc). Il bat ainsi le record de longévité de son illustre prédécesseur, David Ben Gourion (1) et n’aura donc pâti ni de l’usure du pouvoir pourtant habituelle en démocratie (il fut élu pour la première fois en 1996 face à l’expérimenté Shimon Pérès), ni des trois affaires judiciaires pour lesquelles il est poursuivi par la justice, ni même d’un programme fort peu novateur.
Que signifie ce maintien au pouvoir en dépit de tous les vents contraires ? Qu’ont voulu exprimer les Israéliens ? Surtout, quelle stratégie souhaite poursuivre ce leader exceptionnellement tenace, et au service de quel objectif ?
Ce que les Israéliens attendent de Bibi
Monsieur bitakhon (sécurité)
S’il y eut au moins une posture programmatique que partagèrent Netanyahou et Gantz au cours de la campagne, ce fut bien la sacro-sainte sécurité, bitakhon en hébreu. On accorde souvent au premier ministre israélien nationaliste Itshak Shamir la paternité de cette sentence éloquente : « Les frontières de 1948 sont celles d’Auschwitz. » C’est pourtant Abba Eban, ministre des Affaires étrangères pendant la période cruciale de la guerre des Six-Jours de juin 1967, qui en avait été l’auteur, pas en privé mais à la tribune des Nations unies ! Or si Shamir avait incarné le « faucon » — on y reviendra —, Eban, lui, était une « colombe » notoire. Preuve que les questions sécuritaires, en Israël, transcendent les clivages partisans. Netanyahou, depuis 1996, joue et surjoue sur la corde sensible de la sécurité, le plus souvent avec un certain succès. Est-il le mieux placé pour en incarner le champion ? Pas nécessairement puisqu’en dépit d’états de service remarquables — il intégra lors de son service national la prestigieuse unité combattante d’élite Sayeret matkal —, Bibi ne poursuivit pas de carrière militaire. Mais flanqué d’un ancien chef d’état-major à la Défense, en l’espèce Benny Gantz, la semi-lacune disparaît tout à fait (2). Donc les Israéliens veulent être rassurés. Mais de quoi ?
Le meilleur bouclier face au péril iranien
Si l’on prend en compte la quantité d’occurrences tant dans les harangues politiques que dans les articles de presse, les communiqués ou les discours diplomatiques, la grande crainte contemporaine des Israéliens porte un nom : l’Iran. Grave, imminent, multiforme (Iran et Hezbollah libanais, missiles et terroristes, etc.), ce péril est représenté comme stratégique et, donc, existentiel. Conséquence concrète de cette représentation extrêmement partagée : si la tension devait monter encore d’un cran entre, d’une part, l’Iran et ses alliés, d’autre part Israël, les États-Unis et l’axe arabe-sunnite, un schéma à l’irakienne pourrait advenir. En janvier 1991, bien que non partie prenante au conflit, l’État hébreu avait subi des attaques de missiles Scud. Cette fois, les coups pourraient provenir de l’Iran …
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