Secrétaire général de la Ligue islamique mondiale (LIM) depuis le 4 août 2016, Mohammed ben Abdul Karim al-Issa, âgé de 55 ans, a été auparavant ministre de la Justice du roi d’Arabie saoudite Abdallah pendant six ans (2009-2015). En le nommant à ce poste, le souverain avait voulu témoigner de sa volonté de réforme. Il succédait, en effet, à Abdullah ben Mohammed ash-Sheikh, réputé pour ses convictions conservatrices, membre d’une famille de grands oulémas wahhabites avec laquelle les Al-Saoud partagent le pouvoir depuis la fondation du royaume.
Spécialiste de jurisprudence islamique, ancien maître de conférence à l’Université Imam Mohammed ben Saoud, puis vice-président du Comité des griefs — un organisme d’arbitrage dépendant directement du souverain —, Mohammed ben Abdul Karim al-Issa est volontiers décrit comme modéré et réformateur. Du temps où il était ministre, il a pourtant suscité l’indignation des organisations de défense des droits de l’homme face à la hausse du nombre d’exécutions, passé de 69 en 2010 à 158 en 2015. Parmi celles-ci, la décapitation d’Amina Nasser, une Saoudienne accusée en 2011 de « sorcellerie ». La condamnation à dix ans de prison et à mille coups de fouet de l’activiste Raïf Badawi, pour avoir lancé un forum de débats politiques en ligne, avait été également dénoncée par la communauté internationale. Il est vrai que Mohammed al-Issa affirme n’avoir ni inspiré ni cautionné de telles décisions…
En revanche, à la tête de la LIM, il a, de l’avis général, donné une nouvelle orientation à cette institution souvent accusée de propager une vision intolérante de l’islam. Son déplacement, le 26 février 2020, à l’occasion du 75 e anniversaire de la libération des camps d’extermination nazis, à Auschwitz-Birkenau, a été largement commenté, d’autant qu’il s’agissait d’une visite mémorielle interreligieuse. La délégation comprenait une centaine de personne, des clercs et des laïcs, dont Haïm Korsia, le Grand Rabbin de France, le pasteur François Clavairoly et le co-président du Conseil d’Églises chrétiennes.
La réunion en mai 2019 à La Mecque, à l’initiative de Mohammed al-Issa, de 1 200 religieux, érudits et responsables musulmans venus du monde entier a débouché sur l’adoption d’une charte qui fixe les termes d’un engagement commun, à savoir « contribuer au bien de l’humanité, construire des ponts d’amour et d’harmonie entre les hommes en vue de combattre l’oppression, le choc des civilisations et la haine ». Les signataires ont ainsi rejeté toute forme de racisme religieux ou ethnique et dénoncé l’arrogance basée sur une prétendue préférence divine.
Un des principes fondamentaux prôné désormais par la Ligue islamique mondiale et rappelé par Mohammed al-Issa à chacune de ses visites à l’étranger est que « tout musulman a le devoir de respecter les lois et la Constitution du pays où il se trouve ».
J.-P. P.
Jean-Pierre Perrin — Depuis quelques années, la Ligue islamique mondiale a entamé une mue spectaculaire. Ce virage est-il lié aux changements en cours à Riyad, notamment la montée en puissance du prince héritier Mohammed ben Salmane ?
Mohammed al-Issa — Tout d’abord, laissez-moi vous dire que le message que je porte aujourd’hui à la tête de la Ligue, je le portais …
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