Lorsque Margot Wallström annonce qu’elle quitte la vie politique suédoise, en septembre 2019, personne n’est étonné de voir Ann Linde lui succéder au poste de ministre des Affaires étrangères. Cette femme énergique née en 1961 à Helsingborg, ville portuaire du sud du royaume, a à son actif une longue carrière tournée vers la politique internationale. Diplômée en sciences politiques, sociologie et économie à l’Université de Stockholm, elle entre au ministère des Affaires étrangères en 1989 comme « desk officer » après avoir fait ses premières armes dans des organisations étudiantes et de jeunesse. De 2013 à 2014, elle dirige la section internationale du Parti socialiste européen à Bruxelles. Puis c’est le retour en Suède, à la faveur de la reconquête du pouvoir par les sociaux-démocrates et leurs alliés Verts, après huit années de gouvernement de centre droit sous la houlette de Fredrik Reinfeldt. Ann Linde devient alors, au sein du gouvernement dirigé par Stefan Löfven, secrétaire d’État auprès du nouveau ministre de la Justice Anders Ygeman, avant d’être nommée ministre des Affaires européennes et du Commerce extérieur (2016-2018), puis ministre du Commerce extérieur et de la Coopération nordique (2018-2019).
Au moment où Ann Linde répond à nos questions, elle est entièrement mobilisée par la défense de la stratégie, unique en son genre dans le monde occidental, adoptée par son pays dans la lutte contre le coronavirus. Le royaume a choisi, en effet, de ne pas imposer de confinement à sa population (10,4 millions d’habitants). Ainsi les commerces, les bars et les restaurants, les piscines et les salles de gym, les jardins publics et les bibliothèques, etc., sont restés ouverts au public. De même que les maternelles, les écoles primaires et les collèges. Cette stratégie, maintenue contre vents et marées, a d’abord été critiquée avant tout à l’étranger, valant aux autorités suédoises d’être accusées d’irresponsabilité, d’arrogance, voire de pratiques darwiniennes (par le premier ministre polonais Mateusz Morawiecki). Puis, au fur et à mesure que le taux de mortalité dû au virus s’est alourdi dans le royaume, la confiance de l’opinion publique suédoise à l’égard de la politique menée s’est effritée. À tel point que la trêve observée par les partis d’opposition depuis le début de la crise a désormais cessé. Le gouvernement de Stefan Löfven est accusé d’avoir cautionné la stratégie contre le virus, de ne pas avoir su protéger les plus âgés — ce que reconnaît Ann Linde dans l’entretien — et de proposer un nombre de tests insuffisant.
A. J.
Antoine Jacob — La Suède s’est distinguée depuis le début de la pandémie en adoptant une stratégie qui diverge en partie de celle, nettement plus stricte et plus contraignante, mise en œuvre par la plupart des autres pays d’Europe. Pourquoi ce choix ?
Ann Linde — Je tiens d’abord à souligner que nous avons les mêmes objectifs que les autres gouvernements. Nous voulons qu’il y ait le moins de morts possible, limiter au maximum la propagation du virus, soulager la pression sur le secteur hospitalier et réduire l’impact de la crise sur les entreprises et l’emploi. Pour ce faire, …
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