Politique Internationale — Une question de but en blanc : qu’est-ce que cela signifie pour la France d’accueillir les Jeux Olympiques en 2024 ?
Roxana Maracineanu — Les Jeux Olympiques et Paralympiques, c’est l’un des plus grands événements du monde. Pas seulement dans la sphère sportive. Pour un athlète, c’est le défi d’une vie. La compétition ultime pour un olympien ou un paralympien. Une échéance exceptionnelle qui vous mobilise à plein temps pendant quatre années, voire davantage. À l’échelle de notre pays, c’est une vitrine fabuleuse de nos savoir-faire, de nos valeurs, de notre richesse sportive et culturelle. C’est un moteur économique puissant pendant les Jeux, mais aussi en amont et en aval, avec des logements, des équipements sportifs qui seront construits ou rénovés. C’est un booster sans égal.
P. I. — Quel est, à vos yeux, l’enjeu majeur de cet événement ? Est-ce l’aspect politique, économique, sportif, social ?
R. M. — Tous les aspects comptent. Nous sommes dans un contexte de relance économique et l’horizon des Jeux est naturellement un facteur essentiel pour soutenir plus que jamais notre secteur sportif et l’aider à repartir au niveau du sport professionnel et au niveau associatif. Je pense aussi à l’enjeu de rayonnement pour la France. Le monde entier aura les yeux braqués sur notre pays. Ces Jeux doivent permettre à nos athlètes de briller à domicile. C’est une chance inouïe de disputer cette compétition chez nous, il faut la saisir pleinement. Enfin, pour moi, l’enjeu majeur des Jeux, c’est de changer la place du sport dans notre société. Lui donner plus d’importance dès le plus jeune âge, c’est-à-dire à l’école : telle est notre ambition partagée avec Jean-Michel Blanquer. Mieux reconnaître son rôle éducatif, son rôle pour la santé des Français et son efficacité pour véhiculer les valeurs de citoyenneté.
P. I. — Comment le pays se met-il en ordre de marche pour être prêt en 2024 ? Le travail entre les différents acteurs est-il harmonieux ? Quel est le rôle du ministère dans ce dispositif ?
R. M. — C’est l’État qui, aux côtés des collectivités territoriales et du Comité d’organisation des Jeux olympiques et paralympiques (COJO), pilote tout l’héritage des Jeux : stades, équipements, aménagements du territoire… Le ministère chargé des Sports est en contact quotidien avec le COJO, la Société de livraison des Jeux Olympiques (Solideo) et la Délégation interministérielle aux Jeux Olympiques et Paralympiques (DIJOP) pour accompagner la préparation des Jeux et veiller à ce que la promesse soit tenue dans les termes budgétaires annoncés. Nous avons la chance que Jean Castex connaisse particulièrement bien le dossier ; il y est très attentif.
P. I. — Peut-on dire que la politique sportive du pays se concentre prioritairement sur cette échéance olympique ?
R. M. — Les Jeux, c’est d’abord un élan — un élan qui a motivé notamment un rapprochement très fort entre le ministère des Sports et celui de l’Éducation nationale. Cela fait sens d’être dans une grande équipe tournée vers l’avenir à un moment où le sport va prendre une dimension tout à fait inédite. Concrètement, des savoirs fondamentaux seront inscrits dans le quotidien des élèves dès le primaire, comme l’aisance aquatique et le savoir rouler à vélo. Au même titre que le sport peut permettre de lutter contre le décrochage scolaire, notre rapprochement permettra de limiter le décrochage sportif. En effet, nous voulons mieux aménager le parcours scolaire et sportif de l’élève afin qu’il puisse mener harmonieusement son double projet jusqu’à l’insertion professionnelle. Ces chantiers qui me tiennent à cœur vont bénéficier d’un énorme coup d’accélérateur en travaillant main dans la main avec l’Éducation nationale.
P. I. — D’une manière plus globale, comment l’olympisme s’intègre-t-il dans une politique sportive ?
R. M. — Dans la feuille de route qui m’a été fixée par le président de la République et que je partage désormais avec Jean-Michel Blanquer, il nous est demandé de rendre la France plus sportive. C’est ce que nous engageons avec ce programme de savoirs sportifs fondamentaux inscrits dans le temps scolaire dès le primaire, mais aussi avec le programme Génération 2024 qui labellise des établissements scolaires où l’olympisme est présent dans les programmes d’EPS mais irrigue aussi toutes les matières. Nous avons également la mission de réformer notre modèle sportif afin d’optimiser le secteur de la haute performance. C’est dans ce but que nous avons créé l’Agence nationale du sport qui monte en puissance très fortement depuis un an. Elle accompagne désormais les espoirs de médailles françaises pour Paris et au-delà de manière beaucoup plus efficace sous l’autorité de Claude Onesta.
P. I. — Sur le plan du fonctionnement du ministère, comment cette échéance se prépare-t-elle ? Avez-vous mis en place des équipes dédiées ?
R. M. — Bien sûr, à la direction des Sports, une équipe est en charge des Jeux avec un conseiller dédié dans mon cabinet qui travaille étroitement avec l’ensemble des partenaires du projet. Quant à moi, je rencontre régulièrement Tony Estanguet et son équipe pour des points d’étape.
P. I. — Voyez-vous le gouvernement, quel qu’il soit, retirer un bénéfice politique de JO réussis ?
R. M. — Notre rôle est clair : garantir que les Jeux seront livrés en temps et en heure et que le budget sera respecté. Le réel bénéfice politique, à mon sens, sera perceptible lorsque les habitants de Seine-Saint-Denis pourront profiter de logements neufs — notamment ceux du Village olympique — et d’équipements sportifs rénovés grâce aux Jeux une fois que les athlètes seront repartis.
P. I. — Un dossier aussi important que les violences sexuelles dans le sport fait-il l’objet d’une lecture particulière à la lumière des Jeux en France ?
R. M. — La protection des pratiquants est pour moi une priorité. C’est le rôle du monde sportif que de veiller à ce que l’intégrité des personnes qui pratiquent un sport dans nos clubs et nos associations soit défendue et protégée. C’est pourquoi nous devons lutter fermement contre toute forme de dérive, qu’il s’agisse de violences sexuelles, de harcèlement ou de discrimination. C’est un combat de société et le sport doit y prendre sa part.
P. I. — Combien de spectateurs sont-ils attendus dans les stades et, de manière générale, dans tous les lieux qui présentent des spectacles sportifs ? Compte tenu de la pandémie, la problématique des jauges n’a pas fini de vous mobiliser. Même si l’échéance est encore lointaine, imaginez-vous des JO à Paris avec une affluence réduite ?
R. M. — Cette crise sanitaire nous a appris à mieux travailler ensemble. D’une certaine manière, dans l’adversité, nous avons resserré les liens avec le mouvement sportif et les partenaires du sport que sont les collectivités et les entreprises. Ensemble, nous avons fait preuve d’une grande capacité d’adaptation face à une épidémie extrêmement imprévisible. Nous avons travaillé à des scénarios très divers pour être prêts à affronter n’importe quelle situation. Ce sera le cas pour Paris 2024.