Youval Steinitz est ministre de l’Énergie et président de la Commission parlementaire sur l’énergie atomique. Il était dans sa jeunesse de l’autre côté de l’échiquier politique, activiste de gauche et partisan de « La Paix Maintenant ». Mais la signature des accords d’Oslo en 1993, en pleine vague d’attentats terroristes, le pousse à changer de camp, définitivement. Depuis 1996, il est un soutien indéfectible de Benyamin Netanyahou, dont il reste aujourd’hui encore un ami très proche.
Élu député Likoud pour la première fois en 1999, il fait partie, depuis 2009, de tous les gouvernements formés par Netanyahou. Ministre des Finances pendant la crise économique de 2008, c’est lui qui conduira les discussions face à l’OCDE et obtiendra qu’Israël rejoigne l’organisation intergouvernementale en 2010, ce qui légitime enfin son statut de pays développé et dope les investissements étrangers. Au poste de ministre du Renseignement, il sera responsable du dialogue stratégique avec les États-Unis avant d’être nommé à la tête de la délégation israélienne sur le dossier nucléaire iranien.
Sa formation académique détonne à la Knesset. Docteur en philosophie, il était professeur à l’Université de Haïfa et auteur de plusieurs best-sellers avant d’opter pour une carrière politique. L’un de ses premiers ouvrages Invitation à la philosophie, publié en 1987, a été le livre le plus vendu en Israël pendant des mois, réédité des dizaines de fois depuis sa parution. De son passé de philosophe, il a conservé — dit-il — des habitudes intellectuelles qui l’incitent à réfléchir hors des sentiers battus en toutes circonstances.
M. D.
Myriam Danan — L’arrivée de Joe Biden à la Maison-Blanche annonce-t-elle avec certitude un virage à 180 degrés de la politique américaine sur le nucléaire iranien ?
Youval Steinitz — Je connais personnellement Joe Biden depuis plus de dix-sept ans. Je l’ai rencontré lorsque j’étais président de la Commission parlementaire des Affaires étrangères et de la Défense en 2003 et 2004 ; lui était président de la Commission des Affaires étrangères au Sénat. À chacun de mes voyages à Washington je m’entretenais avec lui, il était mon homologue américain. La première fois que je l’ai vu, il m’a dit : « Je veux que vous sachiez que non seulement je soutiens Israël, mais que je me considère comme sioniste. » Cela signifie qu’au-delà du soutien des États-Unis à Israël, qui n’a jamais été remis en cause quelle que soit la couleur politique du président, Biden nous témoigne, depuis longtemps, un attachement personnel qui va bien au-delà d’une promesse électorale un peu creuse. Je connais aussi plusieurs membres de son équipe, qui le suivent depuis des années et qui sont complètement sur cette ligne.
J’ai eu également plusieurs entretiens avec Joe Biden sur le dossier nucléaire iranien du temps où il était vice-président de Barack Obama. Je me souviens d’une fois où je me trouvais à Washington pour trois jours de débats sur l’Iran à la tête d’une délégation ministérielle. Nous avons défendu la position d’Israël au département d’État, puis présenté des rapports au Pentagone et au Conseil de sécurité nationale. J’avais conclu cette visite par un bilan en tête à tête avec lui à la Maison-Blanche. Alors oui, ces souvenirs me rendent optimiste, et me font espérer que tout ira pour le mieux.
D’un autre côté, je n’ai pas oublié qu’il était vice-président d’Obama lorsque l’accord a été signé avec l’Iran en 2015, malgré tous nos efforts pour l’empêcher. Et nous sommes bien conscients que des discussions ont lieu en ce moment même au sein de la nouvelle administration pour conclure une nouvelle version de l’accord. Mais cela faisait aussi partie des plans de Donald Trump : s’il avait été réélu, un accord aurait dû être renégocié. Les Américains espèrent, en fait, que, grâce aux sanctions, les Iraniens seront plus enclins à faire des concessions.
M. D. — Sur ce dossier spécifique, quelle est au fond la différence entre Donald Trump et Joe Biden ?
Y. S. — Il n’y a pas, sur ce point, d’énormes différences entre ces deux présidents puisque, comme je vous le disais, Trump avait envisagé publiquement une reprise des négociations avec Téhéran. Il nous faut attendre, sachant que notre position reste inchangée : la République islamique cherche toujours à obtenir l’arme nucléaire et elle représente toujours une menace existentielle pour l’État d’Israël. Nous n’acceptons pas que l’ombre d’une nouvelle Shoah pèse sur les 7 millions de juifs qui habitent ce pays. Depuis vingt ans, ce dossier est en tête de l’agenda politique de Benyamin Netanyahou, et il faut reconnaître que c’est grâce à ses efforts ininterrompus et grâce à la mobilisation de la communauté internationale que …
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