Isabelle Lasserre — Comment les États-Unis peuvent-ils empêcher l’Iran d’acquérir l’arme nucléaire ?
François Heisbourg — Les États-Unis ont deux approches possibles. La première consiste à revenir dans l’accord de juillet 2015, le JCPOA, dont le principal avantage était de freiner la marche de l’Iran vers la bombe. Ce retour ne va pas de soi. Et même si c’était le cas, il faudrait que l’Iran, qui multiplie les violations, retourne à ses engagements et applique l’accord dans son intégralité. La seconde approche consiste à bombarder l’Iran pour détruire certaines de ses installations nucléaires. Ce n’est pas non plus l’idéal. D’abord, on peut s’interroger sur la faisabilité d’une telle opération. Ensuite, elle aurait forcément des répercussions politiques et stratégiques, dont une haine inextinguible du peuple iranien à l’encontre de ceux qui l’auront frappé. Et cela, sans aucune assurance que ce qui a été détruit ne sera pas reconstruit sous une forme ou une autre.
I. L. — Qui défend la solution militaire ?
F. H. — Il y a trois mois j’aurais été tenté de dire Israël, mais aujourd’hui je penserais plutôt à certains pays du Golfe. Israël se pose de plus en plus de questions sur l’efficacité d’une intervention militaire. Certaines installations nucléaires sont enterrées, parfois très profondément, donc difficiles à atteindre. Par ailleurs, cette solution pourrait avoir des conséquences négatives pour l’État hébreu. Si Israël attaque l’Iran, le Hezbollah (1) pourrait, en effet, passer à l’acte et répliquer. N’oublions pas qu’il possède un ADN mixte puisqu’il est formé d’un chromosome X, sa composante politique libanaise, et d’un chromosome Y, sa composante militaire iranienne.
I. L. — Quel danger le Hezbollah représente-t-il au juste pour Israël ? Quelle est la réalité de sa puissance militaire ?
F. H. — Depuis la guerre du Liban en 2006, le Hezbollah a considérablement développé ses capacités de frappe, en quantité (avec environ 100 000 missiles de diverses portées), en allonge (ils peuvent atteindre la plus grande partie d’Israël dont l’agglomération de Tel-Aviv) et en précision. C’est notamment pour tenter d’empêcher le Hezbollah de se doter de missiles susceptibles de frapper le cœur d’Israël que, depuis quelques années, l’armée de l’air israélienne conduit au Liban et en Syrie des bombardements ciblés — ce que Tsahal appelle la « campagne entre les guerres ». Une forme de dissuasion mutuelle s’est désormais établie entre le Hezbollah et Israël qui empêche une guerre à grande échelle. Ce facteur pèse par ricochet sur l’interaction entre Israël et l’Iran, et notamment sur l’éventualité d’une frappe israélienne contre les installations nucléaires.
I. L. — Les récentes violations du JCPOA par la partie iranienne n’ont-elles pas remis au goût du jour les velléités d’intervention ?
F. H. — Vous avez raison de souligner que les choses ont évolué. Depuis que le Majlis, l’Assemblée consultative, a adopté, le 3 décembre dernier, une nouvelle législation obligeant l’Agence iranienne de l’énergie atomique à obtenir 120 kilos d’uranium enrichi à 20 %, je suis beaucoup plus inquiet. Cette décision est très importante car le passage de 20 % à 90 % (uranium de qualité militaire) est beaucoup plus facile et …
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