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Pour une diplomatie polonaise en mode majeur

Grégory JullienEn février 2020, le président Emmanuel Macron s’est rendu pour une visite de deux jours à Varsovie et à Cracovie afin d’ouvrir un nouveau chapitre dans la relation franco-polonaise (1). En quoi les deux pays peuvent-ils, ensemble, jouer un rôle pour l’Europe de demain ?

Mateusz Morawiecki — Le dialogue est permanent. Il y a un an, nos pays ont signé le Programme de coopération franco-polonais pour les années 2020-2023 (2). Compte tenu du potentiel de nos économies respectives et de nos intérêts communs, cette coopération est indispensable au bon développement de l’Union européenne. Nous voulons que l’Europe de demain soit une Europe plus forte, construite sur plusieurs piliers.

G. J.Une réactivation du « Triangle de Weimar » (3) a été évoquée. Comment cet axe de coopération Paris-Berlin-Varsovie pourrait-il devenir l’un des moteurs de l’Europe post-Brexit ?

M. M. — L’idée de réactiver ce format s’est concrétisée lors de la réunion des ministres des Affaires étrangères français, polonais et allemand à Paris en octobre dernier (4). Il y a été question, bien sûr, des défis liés à la pandémie, mais les discussions ont également porté sur la situation politique en Biélorussie, en Russie, en Libye, dans la Méditerranée ou dans le Caucase. Ce fut une réunion importante qui a clairement montré l’intérêt de la coopération trilatérale pour nos pays, ansi que pour l’Union européenne dans son ensemble. Depuis le Brexit, la Pologne fait partie du groupe des cinq États membres les plus peuplés de l’UE. Ce qui, vous en conviendrez, renforce notre rôle et notre responsabilité dans la formation d’un marché intérieur stable.

G. J.À l’automne dernier la Pologne, tout comme la Hongrie, a opposé son droit de veto à l’adoption du budget européen, qui avait le tort selon vous de conditionner le versement du fonds de relance au respect de l’État de droit. La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a condamné des « veto irresponsables » (5). Que répondez-vous à ceux qui disent que vous avez joué contre l’Europe ?

M. M. — Je ne dirais pas que le veto est irresponsable ; le veto est un frein de sécurité. L’Union européenne se compose de 27 pays. Sans ce mécanisme permettant de garantir que chacune de ces 27 voix sera écoutée nous ne pourrions jamais trouver de compromis. Le veto est un outil inscrit dans les traités qui sert de signal pour s’arrêter de discuter et reprendre le dialogue sur de nouvelles bases. Il repose sur un présupposé simple : dans l’Union européenne, nous sommes tous égaux et personne ne doit forcer quiconque à prendre certaines décisions. Dans le passé, les pays qui bloquaient le plus souvent étaient la Grande-Bretagne et les pays qu’on a appelés « frugaux » : la Suède, les Pays-Bas, le Danemark et l’Autriche (6). Lors du sommet de juillet, nous nous sommes battus pour faire prévaloir des dispositions claires et précises concernant le lien entre État de droit, budget de l’Union et fonds de relance. Nous avons fini par adopter un document qui définit en détail les règles d’application de ce mécanisme …