Le Brexit menace-t-il l’avenir du Royaume-Uni ? La question s’est posée récemment, à Pâques 2021, lorsque pendant deux semaines l’Irlande du Nord a été secouée par des manifestations, souvent violentes, fruit d’une frustration et d’un ressentiment qui grondent depuis la sortie officielle de l’Union européenne, en décembre 2020. Contrairement aux attentes de ceux qui avaient voté en faveur du Brexit, les nouvelles mesures sur lesquelles se sont accordés Londres et Bruxelles pour gérer les échanges commerciaux donnent à l’Irlande du Nord un statut différent des autres régions constituant le RU. Ainsi, désormais, un certain nombre de produits britanniques devront être soumis à des contrôles douaniers, sanitaires et autres avant de pouvoir être exportés vers l’UE. Toutefois, pour éviter une frontière entre les deux parties de l’Irlande — l’Irlande du Nord, sous juridiction britannique, ne faisant plus partie de l’UE, contrairement à la république — une frontière « maritime », c’est-à-dire entre les deux îles, britannique et irlandaise, a été mise en place. Concrètement, cela implique que les contrôles seront effectués dès l’arrivée des exportations en Irlande du Nord. C’est dans ce but que le protocole nord-irlandais a été introduit. Ce texte de 63 pages qui réglemente les échanges commerciaux entre le RU et l’UE alimente les pires craintes de la communauté unioniste (1), celles de voir le lien les unissant au RU se déliter et, à terme, se dissoudre. Cet arrangement confère en effet à l’Irlande du Nord un statut hybride, puisqu’elle reste dans l’union douanière européenne tout en quittant l’UE. La province a donc désormais un ancrage dans les deux juridictions. En conséquence, pour un certain nombre de produits en provenance du RU et à destination de l’UE, transitant par l’île irlandaise, tels que la viande ou les œufs, les contrôles douaniers seront effectués à leur arrivée en Irlande du Nord. Désormais, le port de Larne, au nord-est de Belfast, est un centre de contrôle douanier entre l’EU et le RU, tout comme Rotterdam ou Calais. Un port étranger en territoire britannique, en somme. Cette situation a provoqué une « guerre de la saucisse » entre les deux anciens partenaires européens, puisque l’UE interdit l’importation de viandes réfrigérées, ce qui signifie que ces produits ne peuvent plus être exportés en Irlande du Nord.
L’impasse de la frontière
Pour comprendre les tenants et les aboutissants de la crise profonde que traverse l’Irlande du Nord, il faut remonter à juin 2016, lorsque le Royaume-Uni décide par référendum de quitter l’UE. S’ensuivent alors plus de trois ans de négociations entre Britanniques et Européens visant à contourner un problème des plus épineux : où vont s’opérer les divers contrôles douaniers, sanitaires et autres, inexistants jusqu’alors mais rendus inévitables par le Brexit ? La question de la frontière qui divise l’Irlande, pour fondamentale qu’elle soit, avait été négligée, voire ignorée, en Grande-Bretagne pendant toute la campagne du référendum. Fortement militarisée pendant le conflit qui a déchiré l’Irlande du Nord de 1968 à 1998, cette frontière avait progressivement disparu au cours de la première décennie du XXIe siècle. En outre, l’appartenance du RU et de la …
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