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La bombe des mollahs

Pour comprendre le contenu et la portée de l’accord dit JCPOA (Joint Comprehensive Plan of Action) de 2015, il est indispensable de le replacer dans l’histoire du programme nucléaire iranien.

La quête

Celui-ci a commencé dès 1964 avec l’implantation d’un réacteur de recherche américain à Téhéran dans le cadre du programme « Atoms for Peace », lancé au lendemain de la Seconde Guerre mondiale par l’administration Eisenhower.

Mais son vrai démarrage a eu lieu au début des années 1970 sous l’impulsion du shah Mohammad Reza Pahlavi. Après le choc pétrolier de 1973, la « mode » était au développement accéléré du nucléaire partout dans le monde, et les sociétés américaines, françaises et allemandes se battaient sur les marchés à l’exportation, notamment au Brésil, en Argentine, en Afrique du Sud et en Iran. Dans ce dernier pays, le shah avait annoncé la construction d’une dizaine de centrales commandées aux Allemands de Siemens et aux Français de Framatome. C’était l’époque où, parallèlement, la France vendait un réacteur de recherche plutonigène à l’Irak, dénommé « Osirak »…

Même si le shah prenait soin de ne pas prononcer le mot, Téhéran étant signataire du traité de non-prolifération (TNP) de 1968, il était clair que l’Iran, comme bon nombre de ces pays, ambitionnait d’acquérir un jour la bombe atomique à partir d’un vaste programme électronucléaire civil. Il suffisait de jouer à plein des ambiguïtés du TNP, lequel n’interdit pas expressément le développement du cycle du combustible (enrichissement de l’uranium et retraitement du plutonium), puis de sortir du traité. Légalement, on pouvait donc arriver jusqu’à douze mois de la bombe (durée du préavis de retrait prévu dans le traité) en important les technologies sensibles qui se trouvaient alors sur le marché… Les Indiens, non-signataires du TNP, venaient d’en faire la démonstration avec leur spectaculaire essai militaire de 1974. Le plutonium nécessaire avait été obtenu grâce aux combustibles irradiés issus des réacteurs civils à eau lourde « Candu » aimablement livrés par le Canada…

Mais la fête fut de courte durée. Deux ans plus tard, l’administration Carter, alarmée par les risques croissants de prolifération qu’avaient révélés l’explosion indienne et la multiplication de contrats nucléaires à travers le monde, adopta la fameuse loi NNPA (Nuclear Non Proliferation Act) de 1976, qui visait à interdire l’exportation des technologies d’enrichissement de l’uranium ou de retraitement du plutonium afin d’éviter le détournement des usages civils du combustible nucléaire à des fins militaires. C’est dans ces années-là que l’Iran, à l’instigation de la France, accepta de devenir actionnaire d’Eurodif à hauteur de un milliard de dollars, l’idée étant de garantir l’approvisionnement des futures centrales électronucléaires civiles iraniennes à partir d’uranium enrichi en France, tout en évitant un éventuel détournement de matières fissiles à des fins militaires (1).

Peu de temps après, le shah fut renversé par Khomeiny en 1979 et le programme nucléaire iranien fut interrompu par le régime des ayatollahs, du moins dans un premier temps. Cela n’empêcha pas la centrale que les Allemands de KWU-Siemens construisaient à Bouchehr d’être bombardée une demi-douzaine de fois par l’aviation irakienne au …