Au Nicaragua, les élections générales du 7 novembre 2021 tiendront plus du rituel d’acclamation d’un couple de tyrans à la tête d’un régime dynastique et totalitaire que de l’exercice démocratique. En effet, depuis le mois de mai 2021, le président sortant, Daniel Ortega et son épouse la vice-présidente Rosario Murillo ont méthodiquement fait emprisonner, ou mettre aux arrêts domiciliaires, tous les chefs de file de l’opposition, trente-six personnes au total, dont dix candidats potentiels à l’élection présidentielle — et cela, pour « conspiration » et « blanchiment d’argent ». Ils ont parallèlement ordonné, sous les mêmes prétextes, la dissolution non seulement des principaux partis politiques d’opposition, Citoyens pour la liberté (CxL) et Résistance nicaraguayenne (RN), mais aussi de trente-neuf ONG faisant contrepoids aux organisations de masse et aux réseaux de clientèles de leur parti, le Front sandiniste de libération nationale (FSLN). Ils ont, enfin, persécuté les médias indépendants, accusés des mêmes turpitudes. Non seulement les membres du FSLN qui briguent un siège de député sont certains de l’emporter grâce au déploiement d’une fraude massive, mais ils pourraient bien n’avoir en face d’eux aucun candidat de l’opposition. Quant à la présidentielle, les seules têtes d’affiche sont Daniel Ortega et Rosario Murillo, respectivement candidats à la présidence et à la vice-présidence. Tous, du couple présidentiel au plus obscur des députés, sont assurés d’être élus triomphalement.
C’est dire que, si la communauté internationale accepte le coup de force qui se profile, les Nicaraguayens verront se consolider un système dictatorial qui combinera les caractéristiques les plus sombres des deux pires régimes qu’ait connus le pays au XXe siècle : la tyrannie patrimonialiste de la famille Somoza qui régna de 1936 à 1979 ; et la dictature totalitaire exercée par le FSLN tout au long des années 1980. Les faits sont, à cet égard, sans équivoque. Reste à les analyser.Quatre ordres de phénomènes méritent d’être examinés : les conditions du retour au pouvoir d’Ortega en 2006 ; les pratiques et l’imaginaire du régime ; la façon dont, au lendemain d’une crise politique sans précédent, d’avril à juin 2018, Daniel Ortega et Rosario Murillo ont fait le choix d’une fuite en avant totalitaire ; et enfin les forces et les faiblesses de cette dictature.
L'instauration d'une dictature (2001-2006) (1)
C’est fort de seulement de 38 % des suffrages exprimés que Daniel Ortega remporta l’élection présidentielle de novembre 2006 qui lui permit de redevenir président de la République alors qu’il avait préalablement perdu à trois reprises : en 1990, à l’issue de son premier mandat face à une coalition de l’opposition anti-sandiniste ; en 1996 face à Arnoldo Aleman ; en 2001 face à Enrique Bolaños. Cette élection dès le premier tour ne fut d’aucune façon la conséquence d’un regain de faveur auprès des électeurs, mais le fruit d’un accord conclu en 1999 par Daniel Ortega avec le caudillo libéral, Arnoldo Aleman. Ortega était alors sous le coup d’une accusation de viols répétés de la part de sa belle-fille (2) et Aleman, lui, commençait à être en butte à des soupçons de corruption (3). Les termes du pacte furent les suivants : les membres de la Cour suprême de justice et du …
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