Le Nordstream : un long bras de fer
En 2000, Vladimir Poutine, le président russe nouvellement élu, propose solennellement à l’Europe, à l’Allemagne surtout, un « partenariat énergétique » mutuellement bénéfique. Il reprend l’idée d’un gazoduc qui relierait directement l’Allemagne à la Russie par le fond de la mer Baltique, condition sine qua non de la réalisation de ce « partenariat ». Dès ce moment, il exige que le tracé du futur gazoduc contourne l’Ukraine afin de placer cette dernière face à une cruelle alternative : soit l’étranglement économique, soit l’abandon de ses infrastructures gazières à Gazprom ou à un consortium européen qui fera la police pour le compte de la Russie. On ne peut qu’admirer la persévérance du Kremlin dans la réalisation de ses objectifs. Déjà, la presse russe ne cachait nullement que, dans l’esprit des dirigeants de Moscou, le « partenariat énergétique » devait être non seulement financé par les Européens, mais encore payé de concessions politiques : « La proposition de Poutine d’augmenter de 30 % les livraisons de gaz et de pétrole à l’Union européenne, fort tentante pour les Européens (…), est liée à l’exigence d’une coordination plus étroite entre les politiques européenne et russe dans les Balkans et dans les autres zones de conflit en Europe » (1).
En 2005, L’Allemagne et la Russie signent un contrat portant sur la première branche du Nordstream (Nordstream-1). Dès cette époque, Gazprom ambitionne de ne pas rester un simple fournisseur, mais d’obtenir un accès direct aux réseaux européens de distribution. Son but est d’accroître son influence, d’imposer ses conditions et d’installer les Européens dans une relation de soumission totale. Les États-Unis, l’UE et l’Otan, soucieux de réduire la dépendance européenne au gaz russe, se sont opposés au projet. Ce qui n’a pas empêché les travaux du gazoduc Nordstream-1 de démarrer fin 2005 pour se terminer en 2011 avec une mise en service effective en 2012. Le chantier du gazoduc Nordstream-2, destiné à doubler la capacité de transport de gaz qui, pour la majeure partie de son parcours, suit le même itinéraire que Nordstream-1, a débuté en avril 2018. Malgré la vive opposition des pays de l’Est, à commencer par la Pologne. Les travaux ont ensuite été interrompus en décembre 2019 du fait des sanctions américaines. Actuellement, l’UE dispose de trois voies différentes pour acheminer le gaz russe en Europe du Nord et centrale : Nordstream-1 ; Yamal, qui traverse la Biélorussie et la Pologne ; et le réseau gazier ukrainien. Avec l’ajout de Nordstream-2, le choix se réduira. Il ne restera que Nordstream-1 et 2, et Yamal.
Le 21 juillet 2021, la chancelière allemande Angela Merkel est parvenue à un compromis avec le président américain Joe Biden sur Nordstream-2. Les États-Unis ne feront pas obstacle à la réalisation et à la mise en service du gazoduc, mais se réservent le droit d’imposer des sanctions à l’avenir si la Russie essaie d’utiliser l’énergie comme une arme ou se livre à des menées agressives contre l’Ukraine et d’autres pays. De leur côté, les Allemands déclarent qu’ils s’opposeront aux actions déstabilisatrices de Moscou au niveau tant national qu’européen. « L’Allemagne s’engage à utiliser tous …
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