Depuis le début du conflit syrien il y a une décennie, le régime de Bachar el-Assad a été mis au ban d’une grande partie de la communauté internationale en raison d’exactions relevant, selon un rapport de l’ONU, d’une politique d’« extermination » et de « crimes contre l’humanité » (1). Sur la base d’accusations analogues, les pays occidentaux ont imposé au pouvoir de Damas un sévère régime de sanctions qui a culminé, en 2019, avec la promulgation d’une loi américaine dite « Caesar Act », en référence au pseudonyme d’un transfuge syrien ayant apporté la preuve photographique de l’exécution de milliers de prisonniers dans les geôles d’Assad. Au niveau régional, la Ligue arabe avait, dès 2011, suspendu l’adhésion de la Syrie.
Damas en voie de réhabilitation
Au cours des derniers mois, cependant, le régime syrien a remporté plusieurs succès dans sa quête de réhabilitation internationale. Le mouvement s’était amorcé dès 2018, à la suite de la reprise par les forces loyalistes des dernières poches rebelles du sud et du centre du pays (2). Le Bahreïn et, surtout, les Émirats arabes unis, avaient alors rouvert leurs ambassades à Damas (3). Le processus s’était toutefois rapidement enrayé en raison de pressions exercées par l’administration Trump, farouchement hostile à toute normalisation entre ses alliés régionaux et le régime syrien. Inversement, l’arrivée de Joe Biden à la Maison-Blanche en 2021 s’est traduite par la reprise de la réintégration graduelle d’Assad dans le giron arabe.
L’administration démocrate n’accorde guère d’importance au dossier syrien, comme l’illustre notamment la déshérence de la fonction d’envoyé spécial des États-Unis pour la Syrie depuis janvier 2021. Si Washington n’envisage aucune évolution de ses propres relations bilatérales avec Damas, eu égard à la position du Congrès (4), elle a néanmoins signalé à ses partenaires arabes qu’ils étaient de facto libres de leurs choix quant à la conduite de leur politique syrienne. Fin 2021, par exemple, Washington n’a pas cherché à faire usage du Caesar Act pour s’opposer à un projet de livraison de gaz égyptien au Liban via le territoire syrien. La nouvelle posture américaine a par ailleurs encouragé la Jordanie à rétablir ses liaisons aériennes et terrestres avec son voisin septentrional, tandis que le roi Abdallah II invitait ses partenaires internationaux à abandonner l’idée de changement de régime en Syrie pour se concentrer, plus modestement, sur un changement de comportement de la part d’Assad (5). La Jordanie, les Émirats arabes unis (dont le ministre des Affaires étrangères a visité Damas en décembre 2021), l’Égypte et l’Irak coordonnent désormais leurs efforts en vue d’un retour de la Syrie dans la Ligue arabe, soutenus en cela par l’Algérie, qui doit accueillir le prochain sommet de l’organisation fin 2022 (6).
L’assouplissement de la position internationale vis-à- vis d’Assad transparaît aussi, plus discrètement, au niveau des instances onusiennes. Le Comité constitutionnel, au sein duquel représentants du régime, de l’opposition et de la société civile sont supposés négocier une révision de la loi fondamentale du pays sous la supervision de l’ONU, n’a réalisé aucun progrès …
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