Quel destin que celui de ce fils d’immigrés italiens devenu l’homme de confiance de Bill Clinton puis, seize ans plus tard, de Barack Obama ! Rien ne le prédestinait à se retrouver au cœur de la puissance opérationnelle américaine, que ce soit en amont, à la CIA, ou en aval, au Pentagone — deux institutions qui ont fini par accepter de coopérer sérieusement après les attentats du 11-Septembre. Leon Panetta, c’est avant tout un Démocrate patriote, puis un membre du Congrès élu et réélu à huit reprises pour représenter sa circonscription californienne de Monterrey. Spécialiste des questions sociales, sociétales et budgétaires, il entre à la Maison- Blanche au poste de chef de l’Office of Management and Budget avant d’en diriger le « staff », l’un des jobs les plus influents de l’exécutif.
Celui qui fut le serviteur loyal et discret de Clinton puis d’Obama a bien des points communs avec celui qui sera, un temps, son homologue en France, Jean-Yves Le Drian : mêmes origines modestes, gros ancrage local, travail acharné, patriotisme sans faille et apprentissage accéléré de la raison d’État aux plus hautes fonctions.
Bien qu’il ait accordé cette interview exclusive à Politique Internationale avant l’agression russe contre l’Ukraine, Leon Panetta, 83 ans, livre à nos lecteurs des commentaires qui restent toujours éclairants. Avec le recul de ceux qui savent placer leur pays au-dessus de leur parti.
F. C.
François Clemenceau — Entre la Maison-Blanche au temps de Bill Clinton et vos postes à la tête de la CIA ou du Pentagone, quel est votre meilleur souvenir ?
Leon Panetta — Au cours de mes cinquante années au service de mon pays (1), j’ai eu la chance, avant de rejoindre le gouvernement, de servir le Congrès à une époque où il fonctionnait encore, c’est- à-dire lorsque les Républicains et les Démocrates savaient coopérer et travailler ensemble sur un certain nombre de sujets. C’était très gratifiant pour ma circonscription en Californie et pour notre nation. J’ai présidé la Commission du budget à un moment où nous cherchions à éliminer les déficits publics, ce qui m’a permis, une fois responsable de la mise en œuvre du budget fédéral à la Maison- Blanche, de poursuivre cette tâche.
En tant que directeur de la CIA, mon meilleur souvenir reste évidemment la capture d’Oussama Ben Laden (2). Je me souviens parfaitement de cette nuit-là, au Pakistan, lorsque nos deux équipes de commandos de marines sont arrivés à proximité de ce bâtiment où nous savions, grâce à nos renseignements, que Ben Laden se cachait. À cause de la météo, l’un des deux hélicoptères a eu un accident : j’ai cru alors que la mission allait échouer. Mais lorsque j’ai eu en ligne l’amiral McRaven (3) qui commandait les Seals, il m’a rassuré en m’annonçant qu’un troisième hélico arrivait en renfort et que ses hommes restaient sur place. Quelques minutes plus tard, je l’ai entendu dire que Geronimo était capturé. C’était le nom de code que nous avions donné à Ben Laden. Rien dans ma vie tout entière ne peut être comparé à ce moment-là.
F. C. — Qu’est-ce que cette phase de traque et de capture de Ben Laden vous a appris de particulier sur le combat anti- terroriste ?
L. P. — Lorsque j’étais officier de renseignement à la fin des années 1960, nous n’avions pas le sentiment qu’il était nécessaire de communiquer entre agences ou de partager nos informations avec les militaires. Mais après le 11-Septembre, il est devenu évident qu’il fallait combiner nos moyens en renseignement avec ceux dont disposait l’armée. Et c’est ce que nous avons réussi par la suite en confiant à nos forces spéciales le soin de neutraliser les terroristes dont nous suivions la trace.
F. C. — En tant que directeur de la CIA, vous aviez reçu pour mission de mettre fin à la torture. Le président Obama voulait également fermer le camp de détention de Guantanamo. De ces deux promesses, quel bilan tirez-vous ?
L. P. — Les attentats du 11-Septembre étaient une attaque terroriste extérieure sur notre propre sol. Nous avions la responsabilité de nous défendre et de faire en sorte que cela ne se reproduise plus jamais. Dans ce combat, des erreurs ont été commises. Il n’était pas nécessaire, par exemple, de torturer pour obtenir des renseignements. C’est ce que pensait le FBI à l’époque (4). Le président Obama a donc eu raison de vouloir …
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