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Kazakhstan : le vent du « changement »

Le 2 janvier 2022, des habitants de Janaozen, une ville située dans la région de Manguistaou, au sud-ouest du Kazakhstan, se rassemblent pour protester contre le renchérissement soudain du gaz de pétrole liquéfié (GPL), passé de 60 à 120 tenge le litre (soit de 12 à 24 centimes d’euro). Les annonces successives d’une baisse du prix du GPL — avec un litre plafonné à 50 tenge pour une durée de six mois — et de la démission du gouvernement ne suffisent pas à endiguer une vague contestataire qui déferle rapidement sur l’ouest et le sud du pays, jusqu’à l’ancienne capitale Almaty qui devient l’épicentre de la crise.

Dépassé par les troubles qui s’installent dans la ville la plus peuplée du Kazakhstan, où les commerces, les banques, les armureries, l’aéroport international et les bâtiments publics (mairie et résidence présidentielle) sont pris d’assaut et saccagés par la foule, le président Tokaïev se tourne dès le 5 janvier vers l’Organisation du Traité de sécurité collective (OTSC). Le déploiement de ses Forces de maintien de la paix — première intervention de l’alliance militaire sous la houlette de Moscou en conditions réelles — est une conséquence directe de cette crise, qui aboutit par ailleurs à des changements majeurs à la tête de l’État kazakhstanais.

Quels enseignements faut-il tirer de ce qu’il s’est passé en ce début d’année 2022 au Kazakhstan ? Quels effets à plus long terme ces événements pourraient-ils entraîner pour le pays et son environnement régional ?

Le Kazakhstan, géant fragilisé de l’Asie centrale

Indépendant de l’Union soviétique depuis le 16 décembre 1991, le Kazakhstan est la puissance majeure de l’Asie centrale, dont il possède non seulement le plus grand territoire (2,7 millions de km2, soit cinq fois et demie la superficie de la France métropolitaine), mais aussi l’économie la plus prospère (son PIB de 194 milliards de dollars est trois fois supérieur à celui de l’Ouzbékistan). Celle-ci est tirée par les pléthoriques ressources naturelles du pays, qui lui permettent de s’imposer comme un exportateur de pétrole, de gaz naturel, de charbon et d’uranium (1), et de connaître, notamment au cours des années 2000, une croissance à deux chiffres.

Néanmoins, le « miracle économique kazakhstanais » semble progressivement s’étioler sous l’effet de la crise des subprimes en 2008, et surtout de la chute des cours mondiaux du pétrole à partir de 2014. Les autorités sont ainsi conduites, à plusieurs reprises, à dévaluer le tenge, ce qui affaiblit le pouvoir d’achat des consommateurs et entraîne une augmentation de l’inflation, qui avoisine 8,5 % à la fin de l’année 2021. En 2020, la crise du coronavirus fait même resurgir, pour la première fois depuis 1998, le spectre de la récession dans un pays où le salaire mensuel moyen ne dépasse pas les 250 000 tenge (500 euros) et où la moitié de la population ne vit qu’avec 50 000 tenge mensuels (100 euros). C’est donc dans un contexte économique dégradé que le doublement du prix du GPL survient en janvier 2022.

La fin d’une …