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L’« illibéralisme » polonais est-il durable ?

Au pouvoir depuis 2015, le PiS (Droit et Justice, Prawo i Sprawiedliwosc) a entamé une révolution conservatrice qui place la Pologne, à côté de la Hongrie de Viktor Orban, dans la catégorie des démocraties illibérales. Le discours de ce parti, marqué par ses tonalités anti-élites, l’hostilité à l’accueil de réfugiés issus du monde musulman, aux droits des homosexuels ou encore au droit à l’avortement, a été abondamment commenté (1). Il n’en bénéficie pas moins d’un large soutien populaire et pourrait bien se maintenir au pouvoir malgré ses divisions internes, d’autant qu’il ne manque pas d’alliés sur la scène internationale. Loin d’être isolé, le PiS s’inscrit dans un mouvement plus large qui voit les principes de la démocratie libérale remis en cause dans de nombreux pays d’Europe.

L’illibéralisme en actes

Plusieurs éléments permettent de qualifier les changements politiques introduits par le PiS depuis son accession au pouvoir en 2015 d’« illibéraux », à l’instar de ce qu’on observe en Hongrie depuis 2010. Sitôt après son arrivée au pouvoir, le PiS, resté dans l’opposition entre 2007 et 2015 durant les huit années de gouvernement de la Plateforme civique (Platforma Obywatelska, PO) de Donald Tusk, a entrepris de remettre en cause la supposée hégémonie libérale. Cela s’est notamment traduit par une reprise en main des médias publics, avec l’adoption d’une loi permettant le remplacement des équipes dirigeantes des radios et des télévisions. Une purge s’est ensuivie, avec le départ volontaire ou forcé de nombreux journalistes. La centralisation de l’information publique a eu pour effet que le journal télévisé du soir sur la chaîne publique TVP est devenu le porte-voix du gouvernement, ne retenant pas ses coups contre l’opposition. Plus récemment, le PiS a entrepris de porter l’offensive contre les médias privés, avec un projet de loi controversé visant à réduire la part des capitaux étrangers (essentiellement allemands et américains) dans leur financement. Surnommée « Lex TVN », du nom du principal groupe de télévision privé à capital américain, ce projet a suscité l’ire de Washington. Bien qu’adopté par le Parlement, il a fait l’objet fin 2021 d’un veto du président Andrzej Duda, pourtant issu des rangs du PiS.

Mais c’est dans le domaine de la justice que le PiS a adopté les mesures les plus importantes et les plus problématiques sur le plan démocratique. Depuis 2015, une série de réformes ont mis à mal l’indépendance de la justice, en s’en prenant successivement au Tribunal constitutionnel, au Conseil national de la magistrature, à la Cour suprême et à la Commission électorale nationale. Chaque fois, il s’est agi de renforcer l’emprise du pouvoir politique sur les principales instances judiciaires, via la mise à la retraite anticipée de hauts magistrats et leur remplacement par des proches du PiS. La fusion des fonctions de ministre de la Justice avec celles de procureur général offre, en outre, au ministre un pouvoir de nomination des procureurs.

Ces décisions ont suscité les réactions de la Cour de justice de l’Union européenne, du Conseil de l’Europe et de …