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Pays baltes, les prochains sur la liste ?

Bien avant le lancement de l’offensive russe contre l’Ukraine le 24 février 2022, les États baltes n’ont eu de cesse d’exprimer leurs craintes face à la menace que constituait selon eux la Russie. Ils n’ont pas attendu non plus que commence la dérive de Moscou vers une dénonciation obsessionnelle de la prétendue agressivité de l’Occident à son encontre. Dès le retour à l’indépendance en 1991, l’Estonie, la Lettonie et la Lituanie ont adopté une position de défiance quasi structurelle face à leur ancien occupant. Au point d’être parfois tenues par leurs partenaires puis alliés occidentaux pour les promoteurs d’une russophobie de principe, teintée, selon certains Européens, d’un atlantisme à tout crin.

Aujourd’hui, bien que les faits leur donnent raison (la Russie menace le monde occidental), force est de constater leur engagement mais aussi leur retenue : la priorité est à l’unité européenne et transatlantique et au soutien apporté à l’Ukraine.

Des pays conscients de leurs vulnérabilités

Les pays baltes se savent particulièrement vulnérables à l’influence de Moscou. La Russie détient, en effet, plusieurs leviers qu’elle pourrait activer à tout moment pour les déstabiliser et tenter de les ramener dans son giron. La géographie (proximité et disproportion de taille), mais aussi l’Histoire (appartenance à l’Empire russe, occupation soviétique de 1940 à 1941 puis de 1945 à 1991) ont façonné le rapport de ces États à leur puissant voisin. Outre le passé soviétique, les trois pays se reconnaissent quelques traits communs avec l’Ukraine. À Tallinn, Riga ou Vilnius, on pourrait être tenté d’en tirer des conclusions inquiétantes : ces similitudes doivent-elles laisser penser que, demain, Moscou pourrait avoir les mêmes revendications à l’égard des Baltes que celles exprimées aujourd’hui par le président russe à l’encontre de la nation et de l’État ukrainiens ? L’appartenance des pays baltes à l’UE et à l’Otan est-elle un gage suffisant pour se sentir à l’abri des menaces russes ?

Minorités russophones et mémoires concurrentes

Les pays baltes se sont rapidement distingués du reste de l’ensemble qualifié de « post-soviétique » par la rapidité et la constance de leurs choix : transitions politiques et économiques radicales vers la démocratie et le libéralisme ; politiques étrangères tournées vers l’objectif des doubles adhésions à l’Otan et à l’UE. Mais la Russie est parfois venue jouer les trouble-fêtes, mettant en cause l’image d’une « success story » balte. À partir des années 2000 (c’est-à-dire à partir de l’arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine), elle a reproché avec acrimonie à la Lettonie et à l’Estonie de n’être pas de vraies démocraties, les accusant de malmener leurs minorités russophones qui, en effet, ne jouissent toujours pas de la citoyenneté et des droits qui lui sont afférents.

Les 35 % de russophones de Lettonie (27 % en Estonie) et, plus spécifiquement, les 10 % (5,2 % en Estonie) de non-citoyens (1) sont toutefois difficiles à appréhender du fait de leur diversité d’origine (russe, biélorusse, ukrainienne…), de leur histoire (Vieux croyants arrivés sur ces terres au moment du schisme au XVIIe siècle, populations installées …