Isabelle Lasserre — Parmi les personnalités qui dirigent la planète, quelles sont celles que vous admirez le plus ? Quelle est celle à qui vous donneriez le Prix du courage politique ?
Catherine Colonna — Spontanément et sans originalité, je dirais Nelson Mandela. Il a dédié sa vie au combat pour la liberté, il en a payé le prix en passant plus de vingt-sept ans derrière les barreaux, mais il a su dépasser la colère ou la rancœur, et c’est grâce à cela qu’il a ouvert une nouvelle voie pour son pays et le monde entier. Son combat est à la fois universel et actuel, alors que nous constatons que toutes les valeurs humanistes sont attaquées partout dans le monde. Rien n’est jamais acquis. C’est à lui qu’irait sans hésitation mon Prix du courage politique.
I. L. — Et quelle est la personnalité dont la vision du monde coïncide le plus avec la vôtre ?
C. C. — Pour ce qui est de ma « vision du monde », je pense que la mienne est un mélange de réalisme, par expérience, et d’idéologie, par vocation. Je sais que rien n’est parfait mais que tout est perfectible, qu’il faut rester optimiste et se battre sans relâche pour défendre les idéaux auxquels on croit. Je prends pour exemple une femme, Simone Veil, que j’ai eu la chance de connaître. Son humanisme, son exigence, ses convictions et son parcours hors du commun forcent le respect.
I. L. — Si les démocraties s’étaient vigoureusement opposées à l’annexion de la Crimée par Poutine, ne pensez-vous pas que celui-ci aurait hésité à aller plus loin ? En d’autres termes, toute agression ne devrait-elle pas être stoppée dès le début ?
C. C. — Ce que vous dites n’est pas tout à fait exact. En 2014, les démocraties, notamment les pays de l’Union européenne, se sont vigoureusement exprimées contre cette annexion, qui n’a d’ailleurs pas été reconnue par l’immense majorité de la communauté internationale, bien au-delà des seuls pays occidentaux. Les partenaires de l’Ukraine n’ont eu de cesse, depuis lors, de condamner dans toutes les enceintes l’annexion illégale de la Crimée. J’ajoute que l’Union européenne a réagi très fermement en adoptant des sanctions importantes, qui sont encore en vigueur. D’autres sanctions ont été décrétées à la suite de la reconnaissance de l’« indépendance » d’une partie des régions ukrainiennes de Donetsk et de Louhansk par Vladimir Poutine le 21 février 2022, puis évidemment en réponse à l’agression militaire que la Russie a déclenchée le 24 février.
I. L. — Quelle est la véritable finalité de ces sanctions ?
C. C. — Ces sanctions massives n’ont qu’un seul but : asphyxier le financement de l’effort de guerre russe. Notre approche a toujours été claire : tout faire pour éviter le pire, puis, lorsque le pire est arrivé, tout faire pour mettre fin à la guerre sans pour autant devenir belligérants.
Alors que la situation se tendait aux frontières de l’Ukraine où la Russie massait ses troupes, la France …
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