Que savons-nous au juste de Liz Truss, la nouvelle première ministre britannique investie par Elizabeth II le 6 septembre 2022, deux jours seulement avant le décès de la reine ? Originaire de Leeds, dans le nord de l’Angleterre, cette quadragénaire, ex-directrice financière, est issue d’une famille située à la gauche du parti travailliste, élevée entre un père mathématicien et une mère infirmière, qui, dit-on, refusent désormais de lui adresser la parole. Les critiques n’ont pas manqué pour dénigrer ses gaffes à répétition, son manque de courage (1) et surtout sa capacité à changer d’avis avec une facilité déconcertante. Passée par l’école publique mais diplômée d’Oxford, elle a rejoint le parti conservateur à l’âge de 21 ans après avoir brièvement milité chez les Libéraux-Démocrates, formation de centre gauche qui promettait de briser le moule du bipartisme. On raconte que pendant cette courte période elle était même favorable à l’abolition de la monarchie. Ironie du sort, elle incarne, vingt-cinq ans plus tard, la plus haute fonction gouvernementale à la tête d’un parti qui s’est, de surcroît, construit sur la défense des institutions établies : le Parlement, l’Église d’Angleterre, la monarchie. Lors du référendum de 2016, elle a milité contre le Brexit avant de devenir, en tant que ministre des Affaires étrangères du gouvernement de Boris Johnson (2021-2022), l’une de ses plus ferventes figures de proue. Enfin, dernière volte-face en date : dans un contexte de crise qui fait suite à l’invasion russe en Ukraine (et qui s’explique largement par une plus grande dépendance britannique au gaz), Liz Truss a martelé, pendant sa campagne, qu’elle n’accorderait pas d’aide spécifique aux foyers les moins favorisés face à la flambée des prix de l’énergie… avant d’annoncer, une fois élue, un gel tarifaire significatif.
Mais Liz Truss peut-elle se résumer à sa versatilité ? Il faut bien admettre qu’aucun successeur de Boris Johnson, quelle que fût sa personnalité, n’aurait eu la tâche facile. C’est un climat délétère de forte inflation (10,1 % en août 2022), de grogne sociale et de défiance accrue envers la classe politique, suite aux scandales du partygate (2) que Liz Truss doit en effet affronter. Comment entend- elle relever ces défis ? Quel est véritablement son positionnement idéologique ? Mais surtout, quels sont, malgré les vives critiques dont elle fait l’objet, les atouts éventuels qu’elle pourrait mettre en avant ?
BoJo et l’Angleterre joyeuse
Le portrait du Royaume-Uni qu’ont privilégié les médias, tout spécialement de notre côté de la Manche, est celui d’un pays en pleine crise économique et sociale, profondément divisé par le Brexit et par le bilan clivant de son premier ministre Boris Johnson (juillet 2019-juillet 2022). Dans ces conditions, comment expliquer son départ si tardif malgré les critiques et comment comprendre l’obstination d’un parti qui se veut pourtant légaliste à préserver son leader ? Pourquoi le parti conservateur a-t-il laissé faire et même favorisé l’ascension de « BoJo » ? La première explication tient à la nature même de ce parti que de nombreux spécialistes décrivent comme une machine …
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