Les Grands de ce monde s'expriment dans

Moyen-Orient : l'ombre de Poutine

12 septembre 2022. Le premier ministre israélien, Yaïr Lapid, est à Berlin pour rencontrer le chancelier Olaf Scholz. Une visite-éclair durant laquelle se télescopent des mots et des images révélateurs des bouleversements intervenus, dans l’ordre mondial, depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine. Accompagné de cinq rescapés de la Shoah, le chef du gouvernement israélien est très symboliquement accueilli par son homologue allemand dans la villa de Wannsee, un quartier de Berlin, où fut décidée en 1942 la « solution finale ».

« Nous sommes venus ici pour leur dire que nous avons gagné ! » lance Yaïr Lapid en racontant l’arrestation de son père et de ses grands-parents par des soldats allemands en 1944. Après cette adresse, en forme d’adieu, aux fantômes de la Deuxième Guerre mondiale, le descendant des victimes a tendu la main à celui des bourreaux afin d’affronter ensemble de nouvelles menaces dans un monde où, affirme-t-il, « parfois, la liberté doit être défendue par la force », avant d’ajouter : « Israël jouera un rôle dans la construction de la nouvelle force de défense de l’Allemagne. » Ainsi, l’Allemagne devrait acheter à Israël, pour environ 3 milliards de dollars, le nouveau système de protection Arrow 3 d’une portée de 2 400 kilomètres et capable d’intercepter des missiles balistiques à plus de 100 kilomètres d’altitude. Elle le préfère au système THAAD de l’américain Lockheed Martin. Un camouflet pour les États-Unis qui, ayant financé à 80 % le système israélien, tentent, à l’heure où nous écrivons ces lignes, d’en empêcher la vente.

Étonnant retournement de l’Histoire ! L’Allemagne, qui s’est reconstruite dans le refus de toute guerre et sous protection américaine, est désormais engagée dans une course au réarmement financée par le fonds de 100 milliards d’euros voté au printemps dernier par le Bundestag afin de renforcer ses défenses face à la Russie. Et cette affirmation de la souveraineté nationale s’opère en partie grâce à Israël !

« Les démocraties libérales doivent avoir la volonté et la capacité de se défendre », a aussi déclaré Yaïr Lapid. Commençant cette phrase par une allusion à l’Ukraine, il l’achève par une référence au danger qui depuis des années obsède Israël : « Notre partenariat exige également que nous agissions ensemble contre la menace croissante d’un Iran nucléaire. »

L’avant-veille, l’Allemagne, le Royaume-Uni et la France avaient constaté, dans une déclaration conjointe, « la poursuite de l’escalade nucléaire de l’Iran », et dénoncé son attitude qui « met en péril les perspectives de rétablissement du Plan d’action global commun », le JCPOA (Joint Comprehensive Plan of Action), que les Européens comme les Américains avaient tant souhaité et qui semblait à portée de main quelques mois plus tôt.

Un succès diplomatique pour Israël : l’État hébreu renoue avec ses alliés traditionnels au sein d’un camp occidental qui semble retrouver sa cohérence du temps de la guerre froide, après une période d’affaiblissement de la puissance américaine.

Confiant aux journalistes le fond de la pensée de Yaïr Lapid, un responsable de la …