Quelques heures après l’invasion de l’Ukraine par la Russie, le secrétaire général du Parti communiste chinois, Xi Jinping, échangeait par téléphone avec le président de la Fédération de Russie, Vladimir Poutine (1). Évoquant le « changement spectaculaire de la situation dans l’est de l’Ukraine », il appelait à « respecter les préoccupations raisonnables de sécurité de tous les pays ». Dans la foulée, les médias d’État chinois commencèrent à reprendre et à amplifier certains éléments de langage russes, faisant des États- Unis et de l’Otan les responsables de la « crise ukrainienne », un euphémisme qui continue d’être utilisé par Pékin.
Mais la Chine se garde bien depuis le début du conflit de soutenir ouvertement Moscou ou de lui fournir des armes, alors que les pays occidentaux en livrent en grande quantité à l’Ukraine. Une prudence saluée par le président ukrainien Volodymyr Zelensky : « Pour l’instant, la Chine est en équilibre (…), et, pour être honnête, cette neutralité est préférable à un engagement en faveur de la Russie » (2). Comment, dès lors, comprendre la position officielle de Pékin dans la guerre en Ukraine et comment, surtout, décrypter ses motivations profondes ?
Dans cette guerre, la Chine fait preuve à la fois de pragmatisme et d’opportunisme, cherchant à combiner soutien implicite à la Russie et critique explicite des pays occidentaux, sans pour autant apparaître comme alignée sur Moscou. Le pays n’entend en aucun cas jouer le rôle d’arbitre mais tient à offrir l’image d’une puissance responsable. Le ministre des Affaires étrangères chinois décrit la position de son pays comme « objective, juste et du bon côté de l’Histoire », rien de moins (3) ! En fait, l’attitude de Pékin ne s’explique ni par sa proximité idéologique avec le Kremlin, ni par ses relations économiques avec Bruxelles, mais bien par sa rivalité politique et stratégique avec Washington.
Un soutien implicite à Moscou
La position officielle de la Chine vis-à-vis de la guerre en Ukraine n’a pas varié depuis février 2022, et pourrait se résumer par une forme de ni-ni : ni approbation ni condamnation. Ce qui revient en réalité à apporter un soutien implicite à Moscou.
À l’ONU d’abord. Pékin s’est abstenu de voter les trois résolutions condamnant l’invasion russe : la résolution 2623 du Conseil de sécurité du 27 février ; la résolution ES-11/1 de l’Assemblée générale du 2 mars ; et, enfin, la résolution ES-11/2 de l’Assemblée générale du 24 mars. Son abstention a cependant été très active. La Chine a tout fait pour éviter que les résolutions fassent référence au chapitre 7 de la charte des Nations unies, autrement dit que des sanctions puissent être adoptées. Elle n’est pas allée jusqu’à voter contre et, en s’abstenant — tout comme l’Inde —, elle a minimisé le risque de critiques occidentales. Elle s’est en revanche prononcée contre la résolution ES-11/3 de l’Assemblée générale du 7 avril qui suspend l’adhésion de la Russie au Conseil des droits de l’homme des Nations unies en raison de la « grave préoccupation suscitée …
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