Les Grands de ce monde s'expriment dans

Quand l'Ukraine s'invite dans le paysage politique américain

Joe Biden se rêvait en nouveau Franklin Roosevelt de l’économie, son équipe n’hésitant pas à comparer son projet Build Back Better (reconstruire en mieux) au New Deal des années 1930. Cette ambition ne s’est pas encore concrétisée. En revanche, le président s’est retrouvé devant le même dilemme que son illustre prédécesseur au début de la Seconde Guerre mondiale : comment s’engager dans une guerre en Europe sans s’y engager vraiment. Le conflit ukrainien s’est invité dans une présidence qui, après les tumultueuses années Trump, promettait une période d’apaisement et de réconciliation, aussi bien dans le pays qu’avec le reste du monde. En suscitant l’indignation générale, Vladimir Poutine a offert aux Américains un moment inattendu d’unité nationale. Mais rien n’est simple dans l’éternelle dualité de la politique américaine. Les crises internationales tissent les fils d’une saga où s’expriment les rivalités des partis et des hommes.

La concrétisation d’une vieille inimitié

S’il est un point sur lequel l’Histoire récente a donné raison à Joe Biden, c’est bien la détestation que lui inspire Vladimir Poutine. Lors d’une rencontre avec le maître du Kremlin, alors que lui-même était vice-président, il aurait lâché : « Vous n’avez pas d’âme. » Pendant sa campagne présidentielle, il l’a traité d’assassin et plus tard de boucher. Toutes choses qui recueillent aujourd’hui un vaste consensus. Ils se sont revus peu après l’arrivée de Joe Biden à la Maison-Blanche, dans une atmosphère refroidie par de récentes sanctions prises contre la Russie en représailles à des cyberattaques qui portaient la signature de Moscou. En affichant son hostilité au pouvoir russe, le président caressait les électeurs dans le sens du poil, surtout ceux qui avaient voté pour lui. Les Démocrates étaient et sont toujours persuadés que les interférences de la Russie ont aidé Donald Trump à remporter l’élection de 2016 et que l’ombre du Kremlin planait sur sa présidence.

Les premiers signaux adressés à l’Ukraine par le successeur de Donald Trump n’ont pas été bons. À la surprise générale, au mois de juillet 2021, le président Biden lève l’embargo que ses deux prédécesseurs avaient décrété sur Nord Stream 2, qui devait ouvrir au gaz russe une voie royale vers l’Allemagne. Ce geste, considéré comme un cadeau de départ à Angela Merkel, qui s’était fortement investie dans ce projet, est une catastrophe pour l’Ukraine qui se voit privée des droits de passage du précieux carburant. Dans le même temps, Kiev s’inquiète pour sa sécurité et Volodymyr Zelensky fait savoir qu’il aimerait faire part de ses craintes au nouveau président. Il devra attendre septembre car, entretemps, les préoccupations stratégiques des États-Unis se sont concentrées sur un autre front : la fin de l’engagement militaire en Afghanistan. Pendant tout le mois d’août 2021, l’actualité est dominée par la calamiteuse retraite de Kaboul, qui est une humiliation à la fois pour le président et pour le pays. Lorsque le président ukrainien arrive enfin à Washington, l’Amérique ne s’imagine pas que l’Ukraine lui donnera bientôt l’occasion de restaurer son image de superpuissance militaire. Mais les initiés savent …