Les élections législatives du 21 mai ont vu la victoire des Travaillistes, emmenés par Anthony Albanese, après neuf ans de gouvernements conservateurs. Quelques jours après avoir été nommée ministre des Affaires étrangères, Penny Wong déclarait : « Nous avons devant nous un nouveau gouvernement australien et une nouvelle Australie. » Elle rappelait ainsi les propos de l’ancien premier ministre travailliste Paul Keating, pour qui changer le gouvernement, c’était changer le pays. Mais suffit-il d’une victoire électorale, surtout quand elle est quelque peu étriquée, pour transformer toute une nation ?
L’Australie ne s’est pas massivement tournée vers le Parti travailliste pour réclamer de grandes réformes économiques ou sociales. Mais elle a manifesté un appétit d’intégrité, de compassion, de traitement juste et humain des femmes, des Aborigènes ou des immigrés, ainsi qu’un désir de faire vigoureusement face aux défis du changement climatique — valeurs qui faisaient manifestement défaut au gouvernement de Scott Morrison. Non que ces valeurs soient l’apanage de la gauche, mais elles ont été tellement méprisées par le gouvernement précédent qu’elles lui sont revenues en pleine figure — par effet boomerang, pourrait-on dire —, portées par l’opposition travailliste et quelques indépendants.
Le résultat de ces élections exprimait plus un rejet de Morrison et de ce qu’il représentait qu’un véritable désir de voir Albanese prendre les rênes du pays. Pour autant, le changement de majorité, et donc de gouvernement, se traduit par des infléchissements très significatifs dans les orientations politiques de l’Australie, qu’il s’agisse de politique intérieure ou de politique internationale.
Si Anthony Albanese n’a pas les mains entièrement libres pour légiférer — les Travaillistes, qui n’ont pas la majorité au Sénat, doivent y nouer des alliances pour faire adopter leurs projets législatifs —, il dispose tout de même d’une grande marge de manœuvre. Comme tout dirigeant politique, il se trouve confronté à des choix difficiles : ne pas provoquer inutilement la Chine mais rester ferme sur la défense de la démocratie et des droits humains ; combattre l’immigration clandestine mais traiter les demandeurs d’asile avec humanité ; ou encore lutter contre le réchauffement climatique mais ne pas causer trop de tort à l’industrie du charbon, pilier de l’économie australienne. L’avenir du pays — sa sécurité et sa prospérité — dépendra en bonne part de la capacié du premier ministre à louvoyer entre Charybde et Scylla.
Un camouflet pour Morrison
En abordant les élections du 21 mai, le gouvernement de Scott Morrison (coalition formée du Parti libéral et du Parti national) n’avait aucune marge de sécurité. Il détenait 76 sièges sur les 151 que compte la Chambre des représentants — autrement dit le minimum requis pour obtenir la majorité, alors que les Travaillistes en avaient 68, les 6 restants se partageant entre indépendants et petits partis (Verts, Alliance du centre et Katter’s Australian Party, un chacun). La Coalition aligne désormais 58 sièges, contre 77 au Parti travailliste ; 6 sont allés à des petits partis et 10 à des indépendants, dont ces femmes « bleu sarcelle » comme on les surnomme …
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