Les Grands de ce monde s'expriment dans

Veillée d'armes à Taïwan…

Pierre-Antoine Donnet — Depuis quelques années, le détroit de Taïwan est devenu une zone hautement inflammable. Le régime de Pékin y multiplie les gesticulations militaires et ne cache plus son intention d’annexer l’île, au besoin par la force. Que vous inspirent les velléités expansionnistes de votre grand voisin ?

Joseph Wu — Le précédent de Hong Kong doit nous servir de leçon. Jusqu’à une période récente, l’ancienne colonie britannique était un lieu de liberté et de débats. C’était même le symbole de l’ouverture et du libéralisme en Asie de l’Est. En 2020, les Chinois ont commencé à mettre en œuvre une politique de répression à l’encontre de toute forme de contestation. En juin de la même année, la Chine a imposé à Hong Kong la « Loi sur la sécurité nationale » qui punit d’une peine allant jusqu’à la détention à perpétuité ceux qui sont reconnus coupables de « sécessionnisme » ou « d’intelligence avec une puissance étrangère ». De la sorte, le régime de Pékin a tué toute liberté d’expression. Ces événements ont heurté l’Europe et l’Amérique du Nord qui entretenaient alors de solides relations économiques et commerciales avec Hong Kong. Ces liens, aujourd’hui, n’existent plus. Ce qui s’est passé sous nos yeux, c’est la disparition de toutes les libertés. Or cette volonté de Pékin de dicter sa loi ne va pas s’arrêter à Hong Kong. Très vite la question s’est posée : qui sera le suivant sur la liste ? Les regards se sont tournés vers Taïwan. Il est évident que nous sommes la prochaine cible des autorités de Pékin.

Lorsque, le 24 février dernier, la Russie a envahi l’Ukraine, tout le monde a fait le rapprochement avec Taïwan. La communauté internationale sait très bien que les régimes autoritaires russe et chinois se ressemblent et que, dès lors, ils pourraient utiliser les mêmes méthodes pour poursuivre les mêmes buts. Pendant que le monde entier a les yeux rivés sur l’Ukraine, le gouvernement chinois, pense-t-on dans les pays occidentaux et tout particulièrement en Europe, pourrait être tenté de profiter de la situation pour envahir Taïwan. Regardez ce qui s’est passé pendant la visite à Taipei de Nancy Pelosi (1). Pékin a pris prétexte de cette visite pour se livrer à des manœuvres d’intimidation sans précédent. Il y a eu non seulement des tirs de missiles, mais aussi de très nombreuses opérations aériennes et navales ainsi qu’une opération, elle aussi sans précédent, de désinformation associée à des mesures de rétorsion économiques. Tout cela s’inscrit dans une campagne de préparatifs militaires.

P.-A. D. — Quel est, selon vous, le degré de probabilité d’une attaque chinoise contre Taïwan ?

J. W. — Je ne lis pas dans les boules de cristal, mais la réalité est celle d’un gouvernement chinois qui veut élargir le champ de sa puissance ; et cela, dans toute la région. Ses visées expansionnistes s’étendent à l’ensemble du Pacifique : le Myanmar, le Pakistan, le Sri Lanka, Djibouti. Voire au-delà, jusqu’à l’océan Indien et même l’Europe ! Pour les …