Les militaires parlent du brouillard de la guerre. On pourrait en dire autant du paysage politique aux États-Unis, brumeux pour le moins, mais toujours dominé par le personnage Donald Trump — même si l’homme de Mar-a-Lago voit son profil politique singulièrement diminué. Trump a mal fini l’année 2022. La question est de savoir s’il amorce un déclin personnel, qui ramènera sa présidence (2016- 2020) au rang de parenthèse dans l’histoire du pays, ou bien si le trumpisme survivra à Donald Trump.
L’ancien président subit les assauts conjugués de la justice et d’une partie de l’électorat. Il a perdu les élections de la mi-mandat, au sens où le scrutin du 8 novembre se solde par une défaite pour les postulants qu’il avait personnellement adoubés. L’étiquette MAGA (Make America Great Again) s’est révélée toxique.
Elle a fait fuir les électeurs modérés du parti républicain et, plus encore, les « indépendants », groupe sans lequel il n’y a pas de victoire possible dans un scrutin présidentiel. C’est de mauvais augure pour la candidature de Trump en novembre 2024, candidature qu’il a annoncée avec fracas quelques jours après la consultation de mi-mandat.
Celle-ci renouvelle l’ensemble de la Chambre des représentants (435 sièges) et un tiers du Sénat (35 sièges sur 100). Habituellement le parti du président enregistre une défaite lors de ces scrutins. S’il était majoritaire à la Chambre, il y devient minoritaire — dans des proportions qui vont de 30 à 60 sièges. Cette fois, les républicains ont, certes, battu la majorité démocrate, mais d’à peine une demi-douzaine de sièges. Une misère ! Les sondages donnaient une bonne chance au GOP — le Grand Old Party — de remporter le Sénat. Échec : les démocrates gagnent un siège (51 contre 49) à la chambre haute.
Les grands manitous du parti républicain ont désigné — à demi-mots — un coupable : le golfeur de Floride. L’affaire s’est jouée en deux temps. Quand il y avait des « primaires » républicaines, les candidats de Trump, financés et appuyés par lui, l’ont emporté ; mais, au moment du scrutin général, face aux démocrates, ils ont perdu. Conclusion : au sein du noyau dur de l’électorat du GOP, Trump bénéficie toujours d’un soutien important (de 70 à 80 % des électeurs républicains), mais il n’est pas majoritaire dans l’ensemble de l’électorat américain.
Il ne l’a d’ailleurs jamais été. En suffrages populaires, en novembre 2016, Trump a recueilli 3 millions de voix de moins que sa rivale Hillary Clinton. Il n’a gagné l’élection présidentielle cette année-là qu’au suffrage indirect, par le mécanisme dit des « grands électeurs ». À la présidentielle de novembre 2020, là encore, il a été devancé de quelque 6 millions de voix par Joe Biden, lequel a aussi empoché la majorité des « grands électeurs ». Enfin, aux élections de la mi-mandat en 2018, alors que l’homme d’affaires occupait la Maison-Blanche, les démocrates ont pris le contrôle de la Chambre des représentants. Trump est « une machine à perdre les élections », disent aujourd’hui …