L’une des premières questions qui s’est posée au sujet de la Biélorussie au lendemain du début de l’offensive russe le 24 février 2022 consistait à savoir jusqu’où le président biélorusse serait prêt à suivre la Russie. L’érosion de la souveraineté biélorusse au cours des dernières années semblait laisser à Alexandre Loukachenko une très faible marge de manœuvre. Depuis la crise politique de 2020 (1), par ses actions provocatrices, celui-ci avait activement contribué à l’aggravation des tensions régionales, et la survie de son régime fragilisé dépendait essentiellement du soutien russe. Si, dès le début de la guerre, il a pleinement assumé son rôle d’allié inconditionnel de Poutine, cela ne l’a pas empêché de récuser le statut de cobelligérance attribué à la Biélorussie et de dénoncer toutes nouvelles sanctions occidentales (2) comme injustes. Son principal argument était le refus d’envoyer l’armée biélorusse sur le sol ukrainien. Or, jusqu’à présent, il faut reconnaître qu’il a effectivement réussi à éviter une implication directe dans le conflit tout en fournissant un appui logistique à l’intervention militaire russe.
Le nouveau contexte géopolitique a néanmoins définitivement compromis l’ambition de Loukachenko d’imposer le pays comme un acteur régional clé sur les voies du transit reliant les pays de l’UE à la Russie et à la Chine. Quant au durcissement des sanctions, il a eu pour effet de réduire drastiquement les débouchés pour les exportations biélorusses en dehors de la Russie sans provoquer l’effondrement de l’économie biélorusse.
La coopération russo-biélorusse en matière de défense et de sécurité avant la guerre
Afin de mieux comprendre le rôle actuel de la Biélorussie dans la guerre en Ukraine, il convient de rappeler qu’en dépit d’une coopération importante dans le domaine de la sécurité et de la défense avec la Russie le président biélorusse a longtemps saboté dans les faits l’approfondissement de cette intégration ; et cela, en essayant de préserver au maximum son contrôle sur l’usage des forces armées et en marchandant avec Moscou l’aide financière russe pour la modernisation de ses équipements militaires (qui datent, pour la plupart, de l’époque soviétique (3)). Par ailleurs, la Constitution biélorusse, adoptée en 1994, affirmait le caractère pacifique de l’État, notamment la neutralité et l’interdiction du stationnement d’armes nucléaires. L’usage des forces armées était en principe réduit à des missions défensives conduites sur le sol biélorusse. Leur mobilisation à l’étranger était possible uniquement pour des missions de maintien de la paix approuvées dans le cadre de l’ONU. Dans un tel contexte, l’intérêt principal de la Biélorussie, aux yeux du Kremlin, se limitait à sa position géostratégique sur le flanc ouest, à la frontière des États membres de l’Otan tels que la Pologne et la Lituanie. C’est justement ce statut de « bouclier défensif » que Loukachenko mettait en avant en acceptant de participer à l’architecture commune de sécurité avec la Russie. Pendant longtemps, sa contribution s’est bornée au maintien de deux installations militaires russes dans le pays et à l’accueil temporaire de forces russes à l’occasion de divers exercices militaires visant à intimider les pays …
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