Isabelle Lasserre — La guerre en Ukraine n’est-elle pas le résultat de notre incapacité à arrêter l’agression russe quand c’était encore possible ?
Sébastien Lecornu — Je ne vous étonnerai pas en admettant que s’il avait pu en être autrement, le monde ne s’en serait que mieux porté ! Et je vous étonnerai encore moins en vous disant que la responsabilité de l’agression revient à l’agresseur, n’inversons pas les rôles ! Mais si l’on prend un peu de recul, il est tout de même difficile de tirer des conclusions définitives avant la fin de l’histoire. Cela dit, il est clair qu’une partie des élites et des observateurs a sous-estimé le projet politique de Vladimir Poutine, en l’analysant avec de mauvaises lunettes. Certes, pendant ces 22 années de présidence, il y a eu des virages et des inflexions. Mais le projet de puissance chez le maître du Kremlin a toujours été une constante, un projet très XIXe siècle d’ailleurs en ce qu’il méprise les territoires, les frontières et le droit international. Est-ce que cela signifie que les dirigeants européens ont été naïfs ? Je ne le pense pas. D’ailleurs, j’en veux pour preuve les efforts accomplis par les Français et les Allemands dans le cadre du processus de Normandie pour essayer de trouver une solution diplomatique à la suite de l’annexion de la Crimée par la Russie. Citons aussi l’énergie qu’avait déployée en son temps Nicolas Sarkozy au moment de la guerre en Géorgie.
I. L. — Aujourd’hui des voix s’élèvent pour exiger une fin rapide de la guerre et l’ouverture de négociations, quitte à ce que l’Ukraine renonce à une partie de son territoire. Ne serait-ce pas une prime à l’agression ?
S. L. — Ce serait en effet une prime à l’agression. C’est de surcroît un discours de fragilité et de faiblesse. Ceux qui tiennent ces propos considèrent également souvent que c’est le fait d’aider militairement l’Ukraine qui prolonge le conflit et qui est source d’escalade. Ils continuent donc de regarder l’enjeu de sécurité que pose la Russie à l’Europe avec les « mauvaises lunettes » que j’évoquais il y a un instant. Prenons les choses dans le bon sens. Si l’Ukraine, comme beaucoup le pensaient au début, était tombée complètement en février dernier, que ce serait-il passé depuis ? La menace que peut représenter la Russie pour certains pays du flanc est de l’Europe et de l’Alliance atlantique serait encore plus forte aujourd’hui. S’il est important de défendre le droit international et le respect de la souveraineté de l’Ukraine, c’est tout simplement parce que nous voulons que notre propre souveraineté et nos frontières soient respectées ! Et cela autant dans l’Hexagone que dans nos outre- mer, non seulement pour aujourd’hui mais aussi pour demain. Il est évident qu’il devra y avoir, à un moment donné, des discussions diplomatiques et politiques, mais c’est aux Ukrainiens d’en choisir les termes. Car si nous leur imposons notre calendrier, cela revient à dire aux Ukrainiens : « En fait, c’est nous qui …
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