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Recomposition géopolitique au Sud-Caucase

Blocus, escarmouches, attaques meurtrières, le conflit qui oppose l’Azerbaïdjan à l’Arménie pour le contrôle du Haut-Karabakh, une enclave peuplée d’Arméniens en territoire azerbaïdjanais, est loin d’être éteint. Ses braises rougeoient, comme on peut le constater avec le blocus de l’enclave déclenché le 12 décembre 2022. Depuis cette date, des manifestants azerbaïdjanais prétendument écologistes bloquent le corridor de Latchine, l’unique route reliant le Haut- Karabakh à l’Arménie, privant ainsi la population arménienne de son droit à la libre circulation, de ses approvisionnements en nourriture, en médicaments, en énergie.

Malgré les appels à la raison, ceux de la France, des États- Unis et de la Cour internationale de justice (CIJ) (1), Bakou ne semble pas décidé à mettre fin au siège, faisant tout ce qui est en son pouvoir pour asphyxier la population civile. À Stepanakert, le chef-lieu de la région, les rayonnages des magasins d’alimentation sont vides, les foyers sont privés de gaz et d’électricité et, en cas d’urgence médicale, les vies des malades sont suspendues aux bons offices de la Croix-Rouge, seule autorisée à emprunter le corridor.

Bien évidemment, il ne s’agit absolument pas d’une lutte écologique, comme Bakou voudrait le faire croire. Officiellement, les manifestants azerbaïdjanais qui bloquent le corridor de Latchine réclament l’accès à des mines contrôlées par les autorités du Haut- Karabakh ainsi que l’installation de postes de contrôle le long de cette route. En réalité, l’Azerbaïdjan, exerçant ce qu’il perçoit comme le droit du vainqueur, veut étendre sa mainmise sur toute l’enclave. Le blocus est à ses yeux une façon d’y parvenir.

Depuis la fin de la guerre froide, Bakou et Erevan sont englués dans un conflit inextricable au sujet de ce confetti montagneux qui faisait partie de l’Azerbaïdjan à l’époque soviétique mais où vivent majoritairement des Arméniens de souche qui se sont auto-proclamés indépendants en 1991. Quand l’Union soviétique s’est effondrée, les troupes arméniennes, aidées militairement par la Russie, ont pris le contrôle de l’enclave et de sept régions adjacentes, censées servir de « zone tampon », non sans en avoir chassé l’ensemble de la population azérie.

La percée turcique

Mais en 2020 la situation a changé du tout au tout. Une guerre de six semaines a permis à l’Azerbaïdjan de reprendre environ un tiers du Haut-Karabakh et des territoires adjacents. Le soutien militaire et logistique de la Turquie s’est avéré décisif. C’est grâce aux drones de combat Bayraktar, grâce aussi aux plans d’attaque mis au point par des généraux turcs, que l’armée azerbaïdjanaise a pu asseoir sa supériorité sur le champ de bataille. Un accord de cessez-le-feu parrainé par Moscou a mis fin à la guerre. 2 000 « casques bleus » russes ont été déployés le long du corridor de Latchine, chargés d’assurer la libre circulation des marchandises et des personnes.

Mais ces « casques bleus » ont échoué : ils se sont révélés incapables de mettre fin au blocus, alors qu’il s’agit de leur mission, bien décrite dans les 10 points du cessez-le-feu signé par les belligérants sous l’égide de Vladimir Poutine …