Israël a célébré ce printemps ses soixante-quinze ans dans une ambiance de tensions et d’incertitude. Soixante-quinze ans d’histoire tumultueuse sans laquelle il ne serait pas ce qu’il est aujourd’hui : puissant et fragile, moderne et archaïque, bourré de défauts et de génies. Il n’a pas atteint la normalité qu’espérait une partie des penseurs sionistes pas plus que l’exemplarité à laquelle d’autres le destinaient. Ni une lumière pour les nations ni le pire des États, Israël est une construction nationale et politique qui a fait de la raison d’État une éthique et de l’éthique, un point d’interrogation que lui renvoient sans relâche intellectuels, écrivains, artistes et éditorialistes, rejetons contemporains des prophètes d’antan. Il est un État comme les autres, car les défis à relever sont identiques à ceux d’autres nations ; et, en même temps, il n’est pas un État comme les autres car, planté dans un monde arabe en pleine ébullition, il doit composer avec des voisins qui ne lui ressemblent pas sur le plan politique, ethnique, culturel et religieux, de même qu’il rassemble une population plurielle composée de groupes sociaux qui coexistent et cohabitent dans une tension permanente, susceptible d’entrer en éruption, comme on en a l’illustration éclatante depuis janvier dernier.
Lorsque le mouvement sioniste s’est fixé pour objectif en 1897 de fonder en Palestine un foyer national, il s’est voué à obtenir un triple consentement :
celui des Juifs de la diaspora, dont le sort, ballotté entre émancipation et persécution, avait conduit les sionistes à réclamer pour eux le foyer en question ;
celui des acteurs du système international, et notamment les grandes puissances — anciennes, actuelles ou émergentes — et les organisations internationales — la SDN, puis l’ONU qu’il a fallu convaincre de la nécessité de son avènement puis de sa légitimité à exister ;
des autorités politiques, à l’échelle régionale et locale, et des populations concernées : successivement, l’Empire ottoman, la puissance mandataire britannique, le monde arabe et le peuple palestinien.
Enfin, depuis la création de l’État d’Israël, un consentement supplémentaire est apparu, qu’Ernest Renan a défini avec bonheur comme « un plébiscite de tous les jours », celui-là même dont témoignent les citoyens envers le pays dans lequel ils ont choisi de vivre, qu’ils y soient nés ou non.
De la marge au centre : Israël et la diaspora
Foncièrement, le sionisme n’est pas une invention autochtone de la minorité juive vivant en Palestine au XIXe siècle, mais une émanation de la diaspora en quête d’un État-refuge. Une quête couplée à l’accomplissement modernisé et sécularisé d’une vocation spirituelle au retour des Juifs en terre promise. Bien qu’il ait été conçu en diaspora et pour la diaspora, trois courants majeurs parmi les communautés juives dans le monde ont opposé au sionisme une fin de non-recevoir, regroupés sous les bannières respectives de l’orthodoxie religieuse, de la révolution communiste et de l’émancipation libérale. Tous les trois se disputaient les masses juives de Moscou à New York, de Paris à Berlin, dans les pays du Maghreb et du Machrek. …
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