La relation sino-américaine est entrée dans une phase troublée au tournant des années 2010 et n’a cessé de se détériorer depuis. Les effets dévastateurs de la crise financière de 2008 et de l’enlisement militaire en Irak et en Afghanistan ont convaincu les dirigeants chinois que les États-Unis déclinaient et, donc, que leur heure était venue. Leurs revendications en mer de Chine méridionale et orientale se sont alors singulièrement durcies. Lorsque l’administration Obama annonce en 2011 la politique du « pivot », c’est-à-dire un réengagement général des États-Unis en Asie, ils expriment une vive exaspération teintée d’incrédulité. Non contents de poursuivre leur expansion navale, ils se lancent à partir de 2013 dans le méga-programme des Nouvelles Routes de la soie. Côté américain, ce mélange d’agressivité maritime et de grandes ambitions diplomatico-économiques, de même que le constat du raidissement du régime sous Xi Jinping ont raison des tentatives d’approfondissement du dialogue. Les dernières années du mandat Obama sont ainsi marquées par un net refroidissement entre Pékin et Washington.
La dégradation de la relation s’accélère sous la présidence Trump. Sur le plan géopolitique, les États-Unis ont le sentiment de perdre du terrain face au succès que rencontrent alors les Nouvelles Routes de la soie, et ils s’inquiètent de l’ambition chinoise de construire une « communauté de destin » pour l’Asie, voire pour l’humanité. Sur le plan commercial, l’exaspération américaine face à la concurrence déloyale de la Chine atteint un pic et se conjugue au populisme de Trump et à sa promesse de protéger les travailleurs américains. Le président américain déclenche une guerre tarifaire contre la Chine à l’été 2018. Le rapport sino-américain se détériore un peu plus avec le Covid-19. Alors qu’ils subissent de plein fouet les effets de la pandémie (avec plus d’un million de décès), les États-Unis accusent le régime communiste chinois d’avoir caché l’existence du virus à ses débuts. La Chine, de son côté, vante à qui veut bien l’entendre l’efficacité supposée de son régime en matière sanitaire, dénigre les démocraties européennes et nord-américaines et distribue des vaccins à l’échelle mondiale en exigeant, en retour, des remerciements officiels et médiatiques.
L’arrivée de Joe Biden en 2021, l’invasion russe de l’Ukraine en février 2022 et le fort engagement américain sur le théâtre européen par la suite ont pu laisser penser que Washington lèverait le pied face à la Chine. Bien au contraire. L’administration Biden a adopté une approche encore plus dure en mettant la rivalité sino-américaine au cœur de l’affrontement entre démocraties et autocraties. Le resserrement des liens sino-russes, formalisé par le partenariat « sans limite » conclu par les présidents Poutine et Xi début février 2022, peu avant l’offensive russe contre l’Ukraine, l’ont confortée dans sa lecture.
Cette vision d’une lutte systémique entre démocraties et autocraties influe aussi sur sa posture par rapport à Taïwan. Face à une Chine de plus en plus menaçante, Washington multiplie les gestes de soutien. À l’été 2022, la visite sur l’île de Nancy Pelosi, la présidente de la Chambre des représentants, crée un pic …
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